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lundi 25 septembre 2017

Des tigres, des ocelots

"Des tigres, des ocelots, bâtons de commandement. Le bâton de la colombe, le bâton ailé, le vent. Le bâton du serpent, la reptation de la terre. Le bâton des goîtreux, savoir inné, savoir de celui qui naît en sachant. Des tigres, des ocelots, bâtons de commandement. Des tigres aux griffes qui crachent le feu. Ils marchent sur des torches. Des ocelots aux yeux évaporés. Les bâtons de commandement. Celui de l'air. Celui de la terre. Celui du savoir. Bâtons de commandement à coeur de kapokier. Peints avec les couleurs originelles. Leurs pouvoir est celui du ciel."

Miguel Angel Asturias, Extrait de Trois des quatres soleils


vendredi 22 septembre 2017

Le soleil brillera de nouveau sur ta gorge

On t'a découvert derrière ton ombre,
avec dans le dos le soleil couchant,
et ta déroute c'est cela.
Si le soleil est sur ton cœur,
s'il dore tes pieds et ta tête,
les hommes ne peuvent te vaincre,
ni les dieux ni les éléments.

Maintenant humilié tu regardes sans yeux,
tu entends sans oreilles, tu palpes sans mains
et tu parles sans langue,
condamné au silence
tu n'as plus d'autre cri que le sang sur tes plaies.

Quelles herbes profondes en toi
nourrissent ton haleine de jarre et d'eau douce ?

Tu tires de la cendre ton aurore
et tu la roules parmi des plumes
d'oiseaux transis dont les trilles attendent
que renaisse ton rire. Non le rictus, le rire,
le rire perdu de tes belles dents.

Le soleil brillera de nouveau sur ta gorge,
sur ta poitrine, sur ton front,
avant que la nuit des nuits ne descende
sur ta race, sur tes villages,
et comme tout sera humain : le cri, le bond,
le rêve, l'amour, le repas.

Aujourd'hui c'est toi, et demain
un autre comme toi continuera l'attente;
Point de hâte, point d'exigence.
Les hommes jamais ne s'achèvent.
Là où se dresse un mont était une vallée.
Là où s'ouvre un ravin s'élevait un coteau.
L'océan pétrifié s'est changé en montagne
et les éclairs en lacs se sont cristallisés.

Survivre à tout cela qui change est ton destin.
Point de hâte, point d'exigence. Les hommes jamais
ne s'achèvent.

Miguel Angel Asturias, Extrait de Poèmes indiens

jeudi 21 septembre 2017

Fais du feu dans la cheminée


Infime coïncidence

Que de précieuses dispositions
pour une infime coïncidence
un moment jailli d'eau et de feu
où nous pénétrons dans la même nuit

Marie Uguay, Extrait de Signe et rumeur

Avant Valhalla


Mime et masque

l'impossible expérience de la mort
mais il faut tout de même
compter avec la mort
étrange décompte évidemment
que celui de l'ombre absolue
et en ce sens
la mer n'est jamais bien loin
mime et masque
tout comme le poème
est le clair-obscur du sens
sa célébration et son meurtre
oraison et cri, à la fois

faire cohabiter
la mer et la mort
c'est un peu
comme avoir écrit
jadis
heureusement qu'il y a la guerre
c'est-à-dire :
INTOLÉRABLE

Normand de Bellefeuille, Extrait de Le poème est une maison de bord de mer

mercredi 20 septembre 2017

Deliverance


Jugement de la lumière

Fascinant le sang les muscles
dévorant les yeux ce fouillis
chargeant de vérité les éclats routiniers
un jet d’eau de victorieux soleil
par quel
justice sera faite
et toutes les morgues démises

Les vaisselles les chairs glissent dans l’épaisseur du cou
des vagues
les silences par contre ont acquis une pression formidable

Sur un arc de cercle
dans les mouvements publics des rivages
la flamme
est seule et splendide dans son jugement intègre.

Aimé Césaire, Extrait de Soleil coup coupé