On t'a découvert derrière ton ombre,
avec dans le dos le soleil couchant,
et ta déroute c'est cela.
Si le soleil est sur ton cœur,
s'il dore tes pieds et ta tête,
les hommes ne peuvent te vaincre,
ni les dieux ni les éléments.
Maintenant humilié tu regardes sans yeux,
tu entends sans oreilles, tu palpes sans mains
et tu parles sans langue,
condamné au silence
tu n'as plus d'autre cri que le sang sur tes plaies.
Quelles herbes profondes en toi
nourrissent ton haleine de jarre et d'eau douce ?
Tu tires de la cendre ton aurore
et tu la roules parmi des plumes
d'oiseaux transis dont les trilles attendent
que renaisse ton rire. Non le rictus, le rire,
le rire perdu de tes belles dents.
Le soleil brillera de nouveau sur ta gorge,
sur ta poitrine, sur ton front,
avant que la nuit des nuits ne descende
sur ta race, sur tes villages,
et comme tout sera humain : le cri, le bond,
le rêve, l'amour, le repas.
Aujourd'hui c'est toi, et demain
un autre comme toi continuera l'attente;
Point de hâte, point d'exigence.
Les hommes jamais ne s'achèvent.
Là où se dresse un mont était une vallée.
Là où s'ouvre un ravin s'élevait un coteau.
L'océan pétrifié s'est changé en montagne
et les éclairs en lacs se sont cristallisés.
Survivre à tout cela qui change est ton destin.
Point de hâte, point d'exigence. Les hommes jamais
ne s'achèvent.
Miguel Angel Asturias, Extrait de Poèmes indiens