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vendredi 27 avril 2018

Le feu, le coq, l'aube

" Beauté : perdue comme une graine, livrée aux vents, aux orages, ne faisant nul bruit, souvent perdue, toujours détruite; mais elle persiste à fleurir, au hasard, ici, là, nourrie par l'ombre, par la terre funèbre, acceuillie par la profondeur. Légère, frêle, presque invisible, apparemment sans force, exposée, abandonnée, livrée, obéissante — elle se lie à la chose lourde, immobile; et une fleur s'ouvre au versant des montagnes. Cela est. Cela persiste contre le bruit, la sottise, tenace parmi le sang et la malédiction, dans la vie impossible à assumer, à vivre; ainsi, l'esprit circule en dépit de tout, et nécessairement dérisoire, non payé, non probant. Ainsi, ainsi faut-il poursuivre, disséminer, risquer des mots, leur donner juste le poids voulu, ne jamais cesser jusqu'à la fin — contre, toujours contre soi et le monde, avant d'en arriver à dépasser l'opposition, justement à travers les mots — qui passent la limite, le mur, qui traversent, franchissent, ouvrent, et finalement parfois triomphent en parfum, en couleur — un instant, seulement un instant. À cela du moins je me raccroche, disant ce presque rien, ou disant seulement que je vais le dire, ce qui est encore un mouvement positif, meilleur que l'immobilité ou le mouvement de recul, de refus, de reniement. Le feu, le coq, l'aube : saint Pierre. De cela je me souviens. "

Philippe Jaccottet, Extrait de L'encre serait de l'ombre

mercredi 25 avril 2018

Ma loi

" À partir de rien. Là est ma loi. Tout le reste: fumée lointaine. "

Philippe Jaccottet, Extrait de L'encre serait de l'ombre

samedi 21 avril 2018

Les rêveries de la volonté

" À côté de ces rêveries qui pensent, à côté de ces images qui se donnent comme des pensées, il y a aussi des rêveries qui veulent, des rêveries d'ailleurs très réconfortantes, très confortantes, puisqu'elles se préparent un vouloir." 

Gaston Bachelard, Extrait de La terre et les rêveries de la volonté

dimanche 15 avril 2018

Ogre odieux

Toi qui habites les chairs meurtries
toi qui consumes les plus beaux avenirs
toi qui ancres la haine au coeur des printemps neufs

toi qui salis
toi qui baves
toi qui englues
toi qui ruines
toi qui prostitues

dis-nous
quand donc seras-tu rassasié?

quand aurons-nous la nuit douce?
ogre odieux!

Roland Giguère, Extrait de L'âge de la parole

mercredi 11 avril 2018

Île des Monts Déserts

Île des Monts Déserts

Valeur du neutre

"On ne peut donc trouver d'autre ancrage à la réalité que dans cette valeur du "neutre" : de ce qui ne penche pas plus dans un sens que dans un autre, de ce qui ne se caractérise pas plus d'une façon que d'une autre, mais garde complète en soi sa capacité d'essor."

François Jullien, Extrait de Éloge de la fadeur

mardi 10 avril 2018

Le conseil

Le conseil

Sens et contresens

Sens et contresens

Du plus gris au plus mort

Dans le mois de novembre, du plus gris, au plus mort, si on regarde bien, mais vraiment bien, on voit fleurir les teintes les plus flamboyantes de la fadeur. Le plus foudroyant des spectacles. 

lundi 9 avril 2018

"Variations"

"QUAND J’EXÉCUTE mes dessins "Variations" le chemin que fait mon crayon sur la feuille de papier a, en partie, quelque chose d'analogue au geste d’un homme qui chercherait, à tâtons, son chemin dans l'obscurité. Je veux dire que ma route n'a rien de prévu: je suis conduit, je ne conduis pas. {...} Comme l’araignée lance (ou accroche?) son fil à l'aspérité, qui lui paraît le plus propice et de là à une autre qu'elle aperçoit ensuite, et de point en point établit sa toile."

Henri Matisse, Extrait de Écrits et propos sur l'art

mercredi 4 avril 2018

Grayish violet

Grayish violet

Les arbres?

Propos sur le dessin d'un arbre rapportés par Louis Aragon.

" Je vous ai montré, n'est-ce pas, ces dessins que je fais, ces temps-ci, pour apprendre à représenter un arbre. Les arbres ? Comme si je n'avais jamais vu, dessiné d'arbre. J'en vois un de ma fenêtre. Il faut que patiemment je comprenne comment se fait la masse de l'arbre, puis l'arbre lui-même, le tronc, les branches , les feuilles. D'abord les branches qui se disposent symétiquement, sur un seul plan. Puis comment les branches tournent, passent devant le tronc... Ne vous y trompez pas : je ne veux pas dire que, voyant l'arbre de ma fenêtre, je travaille pour le copier. L'arbre, c'est aussi tout un ensemble d'effets qu'il fait sur moi. Il n'est pas question de dessiner un arbre que je vois.J'ai devant moi un objet qui exerce sur mon esprit une action, pas seulement comme arbre, mais aussi par rapport à toute sorte d'autres sentiments... Je ne me débarasserais pas de mon émotion en copiant l'arbre avec exactitude, ou en dessinant les feuilles une à une dans le langage courant... mais après m'être identifié en lui. Il me faut créer un objet qui ressemble à l'arbre. Le signe de l'arbre. Et pas le signe de l'arbre tel qu'il a existé chez d'autres artistes... par exemple chez ces peintres qui avaient appris à faire le feuillage en dessinant 33, 33, 33, comme vous fait compter le médecin qui ausculte ... Ce n'est que le déchet de l'expression des autres... Les autres ont inventé leur signe... Le reprendre, c'est reprendre une chose morte : le point d'arrivée de leur émotion à eux, et le déchet de l'expression des autres ne peut être en rapport avec mon sentiment original. Tenez : Claude Lorrain, Poussin, ont des façons à eux de dessiner les feuilles d'un arbre, ils ont eux, inventé leur façon d'exprimer les feuilles. Si habilement qu'on dit qu'ils ont dessiné leurs arbres feuille à feuille. Simple manière de parler : en réalité, ils ont peut-être représenté cinquante feuilles pour deux mille. Mais la façon de placer le signe feuille multiplie les feuilles dans l'esprit du spectateur, qui en voit deux mille... Ils avaient leur langage personnel. C'est depuis un langage appris, il me faut trouver des signes en rapport avec la qualité de mon invention. Ce sont des signes plastiques nouveaux qui rentreront à leur tour dans le langage commun, si ce que je dis par leur moyen a une importance par rapport à autrui. L'importance d'un artiste se mesure à la qualité de nouveaux signes qu'il aura introduits dans le langage plastique. "

Henri Matisse, Extrait de Écrits et propos sur l'art

lundi 2 avril 2018

Réminiscence

Réminiscence

Marquer d'une pierre blanche

Marquer d'une pierre blanche

Ce bleu

" Partons de ce bleu, si vous voulez bien. Partons de ce bleu dans le matin fraîchi d’avril. Il avait la douceur du velours et l’éclat d’une larme. J’aimerais vous écrire une lettre où il n’y aurait que ce bleu. Elle serait semblable à ce papier plié en quatre qui enveloppe les diamants dans le quartier des joailliers à Anvers, ou Rotterdam, un papier blanc comme une chemise de mariage, avec à l’intérieur des graines de sel angéliques, une fortune de Petit Poucet, des diamants comme des larmes de nouveau-né.

Carnet bleu envoyé à "La plus que vive" :
L'âme. Un linge frais de soleil, amoureusement plié "

Christian Bobin, Extrait de L'homme-joie

Coulée de bleu phthalo modéré

Coulée de bleu phthalo modéré

Entre deux

" La vie est plus grande que nos vies. La vie n'est pas dans tel corps, telle figure ou telle chose. Elle n'est pas ici ou là. Elle est entre ce visage et cet autre visage, entre cette chose et cette autre chose, entre ici et là. Entre deux, toujours. Mobile, fluide imprenable. "

Christian Bobin, Extrait de La merveille et l'obscur

Agiocochook

Agiocochook