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mardi 25 juillet 2017

La pensée malgré tout

"(...)Je crois que si j’ai consacré tant d’années à la question de l’image et à celle des images, c’est peut-être pour défendre le principe de « la pensée malgré tout ». Cet enjeu concerne d’abord la fidélité à la parole et la fiabilité de son usage dans un monde dominé par le régime du spectacle. Il appartient au regard du promeneur d’embrasser l’horizon le plus large pour ne pas se laisser fasciner par ce que la surabondance des productions visuelles et sonores impose comme foyer d’incandescence dans l’organisation quotidienne de la terreur et de la jouissance, ce qui finalement revient au même. C’est toujours une modalité de la pornographie qui voudrait gagner du terrain et qui parfois semble y parvenir. Il s’agit donc de défendre la radicalité contre cette pornographie en cessant d’en faire un oxymore qui dit ensemble la révolte et l’asservissement.(...)".

Marie-José Mondzain, Extrait de Confiscation des mots, des images et du temps

lundi 24 juillet 2017

Aire de repos


Vert

"De toutes les couleurs, il se pourrait que le vert fût la plus mystérieuse en même temps que la plus apaisante. Peut-être accorde-t-elle dans ses profondeurs le jours et la nuit? Sous le nom de verdure, elle dit végétal: tous herbages, tous feuillages. C'est-à-dire aussi, pour nous: ombrages, fraîcheur, asile d'un instant."

Philippe Jaccottet, Extrait de L'encre serait de l'ombre

Ondée


jeudi 13 juillet 2017

Lignes d'équivalence

« Ainsi les diverses lignes d'équivalence (isobathes, isobarres, isonéphèles ou isothermes) joignent les points de même profondeur ou de même pression atmosphérique, de même nébulosité ou de même température moyenne; plus subtiles déjà, les lignes isochimènes, isoclines ou isodynames relient les lieux de même température moyenne en hiver, de même inclinaison de l'aiguille aimantée, de même force magnétique. La même technique s'applique d'ailleurs au phénomènes humains: le linguiste trace sur l'atlas les isoglosses qui fixent les frontières des usages grammaticaux. Les énumérations du poète ne font que transposer cette minutie des investigateurs: cartographe de l'âme, il réunit en courbes enseignantes les mêmes soucis, les mêmes manies, les mêmes besognes, les patiences du même ordre, les bonheurs du même aloi, tout un projet, tout un succès de même niveau ou de même aspiration ou de même ampleur. Il obtient des séquences sinueuses que le caprice paraît gouverner, mais qui contribuent à fonder une science neuve, rebelle au nombre, domaine et cime de la qualité pure, qui instruit de relations méprisées et pourtant importantes. Cette algèbre montre la répartition, la secrète correspondance des plaisirs, des ambitions, de tout mouvement ou dessein de l'âme, sous quelque ciel et en quelque âge que ce soit, à travers la diversité des hasards et des cultures. Le poète découvre, classe et rapproche les préférences fraternelles des individus, dispersées et méconnaissables, sous les pressions déformantes des grands ensembles de coutumes. »

Roger Caillois, Extrait de Poétique de Saint-John Perse

Tourner son visage vers le ciel


Ligne continue

"La mer formait au fond une ligne continue, estompée dans la ténuité diffuse de la brume bleutée. Au-dessus se déployait un grand azur lustré comme un bel émail, avec seulement, là-haut, un petit nuage oublié comme un chiffon, qui dormait pelotonné et suspendu dans la lumière..."

José-Maria Eça de Queiros, Extrait de Les Maia

La montagne et la mort


Paysage

Il existe
dans les livres d'estampes japonaises du XIXe siècle
des images que l'on trouve
dans les paysages bretons de toujours

est-ce d'avoir regardé les estampes
toujours, comme une première fois
qui a protégé mes yeux d'avoir regardé le paysage
toujours, comme une dernière fois ?

comme si demain,
je ne verrai ni les estampes
ni les rives du Léguer qui va et revient
au seuil de ma maison
et sur les murs de laquelle repose une estampe d'Hiroshige

Je l'ai trouvée
au cœur d'un hiver où la nuit était noire
jusqu'à l'aube d'un matin qui fut un premier jour

le premier jour du camélia
et de mes yeux enfin réveillés par sa blancheur

sur l'estampe
comme sur les hauteurs de l'estuaire
sont dressés, bleus tirant sur le noir
à l'est
noirs tirant sur le vert
à l'ouest
des pins maritimes

et
à la frontière de ce paysage où le soleil se couche
à la lumière de cette image où le soleil se lève
ils incarnent
d'un bout à l'autre du monde
le même poème écrit à l'encre de la même image.

Yvon Le Men, Extrait de (Inédit) été 2003

Impromptu


Ariadne


À la rigueur d'un oeil

"Quand j'étais enfant, je croyais à l'unique, au concret individuel, à l'absolu de chaque personnage, à la nécessité d'un geste, à la rigueur d'un oeil, à l'écrit du moindre événement, à la loi du bleu dans le ciel, de l'avenir et du bonheur."

Léon-Paul Fargue, Extrait de Vulturne

mardi 4 juillet 2017

La lumière joue

"La lumière joue et rit à la surface des choses, mais seule, la chaleur pénètre.[...] Ce besoin de pénétrer, d'aller à l'intérieur des choses, à l'intérieur des êtres, est une séduction de l'intuition, de la chaleur intime. Où l'oeil ne va pas, où la main n'entre pas, la chaleur s'insinue."

Gaston Bachelard, Extrait de La psychanalyse du feu