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mercredi 18 octobre 2017

Electric field


Aspiration

"J'ai écrit dès que j'ai su lire, j'ai écrit parce que je lisais, j'ai lu parce que je désirais écrire. Écrire et lire ne sont pas des actes séparés. Quand on écrit, on se lit. Quand je lis, je prends des notes. Les bons livres me donnent envie d'écrire. Pas sur eux, sur autre chose. Ils m'aspirent vers le monde où l'on crée."

Charles Dantzig, Extrait de Ma République Idéale

dimanche 15 octobre 2017

Takwakin


Mon propre fondement

"La densité de l'Histoire ne détermine aucun de mes actes. Je suis mon propre fondement. Et c'est en dépassant la donnée historique, instrumentale, que j'introduis le cycle de ma liberté."

Frantz Fanon, Extrait de Peau noire, masques blancs

So Quiet Here




So quiet here
So hushed and stilled
So silent here
Such longing calmed
And tempered here
So quiet here
Swirling shades of evening
Circling the light
Last escaping traces of the day
Streak the sky -
Paint in water light
Blends warm
And breath of breeze
And endless
Endless
Reaching here
So quiet here
So hushed and stilled
So silent here
Winding down
To stopping
Gently
Here

Sous les arbres

 

À cheval entre le néant et l'Infini

 "L’estropié de la guerre du Pacifique dit à son frère: "accommode toi de ta couleur comme moi de mon moignon; nous sommes tous les deux des accidentés". Pourtant, de tout mon être, je refuse cette amputation. Je me sens une âme aussi vaste que le monde, véritablement une âme profonde comme la plus profonde des rivières, ma poitrine a une puissance d'expansion infinie. Je suis don et l'on me conseille l'humilité de l'infirme... Hier, en ouvrant les yeux sur le monde, je vis le ciel de part en part se révulser. Je voulus me lever, mais le silence éviscéré reflua vers moi, ses ailes paralysées. Irresponsable, à cheval entre le néant et l'Infini, je me mis à pleurer."

Frantz Fanon, Extrait de Peau noire, masques blancs

vendredi 13 octobre 2017

Ziggy


Souvenir, que veux-tu?

La rêverie moutonne à l'image du ciel et de la mer. Tranquille ou agitée, la matière mouvante de la conscience diffluente se propage dans le temps qui s'étonne. Un poète de la récurrence ne se fabrique pas des souvenirs par commodité. Il ne spécule pas, pour le prestige du songe, sur quelque époque enfuie dans la foulée des proches qui ont disparu derrière l'horizon. Et si à la place habituelle des choses longuement apprivoisiées ne subsiste qu'en tremblement d'air et de lumière, alors c'est qu'une fantasmagorie dépaysante a pris toute la place où vivre maintenant n'est qu'indécision d'être. Cette odeur de javel qui émane des vêtements, semble-t-il, diffusément conduit, par transfert perceptif, à l'écho des cloches du dimanche; il fallait se garder propre toute la journée, quel ennui, et les yeux soudain découvrent un intérieur brouillé, où suis-je, qui est là?

J'ai toujours habité de grandes maisons tristes
Appuyées à la nuit comme un haut vaisselier

La rémémoration qui rumine dans l'iréel rejoint par imprévu le côté mystérieux du langage, « l'accident, le don pur, ce qui n'est pas légué, ni appris, ni imposé, ni même voulu ». Passéisme du rêveur? Un philosophe fruste habite le poète et à la suite de la transe cotonneuse qui l'a possédé lui suggère un nouvel étonnement.

« Aimer le passé, c'est se réjouir qu'il soit en effet le passé; que les choses — perdue cette rudesse dont , dans le présent, elles égratignent, nos yeux, nos oreilles et nos mains — s'élèvent à la vie pure et essentielle qu'elles acquièrent dans la réminescence. »

Ce qui s'engloutit dans le mutisme qui est en nous, la rêverie le repêche et le ramène à la surface du temps où l'élémentaire tient tout l'espace de la profondeur. Feu de bois, magie jamais éventée. Plaque de terre séchée sous la semelle, vertige d'abîme. Sifflement des fils électriques sous le vent, appel lancinant de folie. La branche d'hiver qui d'un coup de rein se débarasse de la neige qui la pliait vers le sol, c'est l'énergie riante que l'on mettait dans la bousculade avec les condisciples à l'heure de la récréation. Et c'est infini soudain, d'une incohérence de kaléidoscope. Mordre dans une orange , se piquer avec une aiguille, offrir ses paumes à la pluie, éteindre la dernière lampe, banalités qui rayonnent dans la mémoire inconsciente, grains d'énergie qui brûlent les niaiseries du langage.

Ça ne veut rien dire , ces parcelles d'une vie révolue, pourtant on les dit, pour peu qu'on s'abandonne à la rêverie qui, vraiment, a tout le langage. 

Jacques Brault, Extrait de Au fond du jardin

jeudi 5 octobre 2017

Oiseaux de grêle

Oiseaux de grêle,
oiseaux qui volez libres et puissants,
oiseaux mercuriaux, liturgiques, glacés,
à peine tolérés dans la constellation du Lévrier,
plumage de fumée pétrifiée, bec à la métallique odeur de sang,
sentinelles d'un lac planétaire, oeil de cyclope
sur le front d'un pays perdu parmi les nuages!

Il a quitté les côtes au climat de placenta
pour gravir les plateaux et pour gravir les cimes.
Il s'est élevé au sommet de la planète.

L'atmosphère sans ciel. Les glaciers sans paupières.
Les Andes consumées par le souffle du vent.
Parmi les pics, les crêtes, les massifs sculptés par-dedans,
les cavités seules visibles, de l'autre côté de ces masses,
il peut contempler le relief qui est ici vide des formes,
silence, espace dénudé.

Qui va sur cette plaine entre soleil et neige,
entre cet or fugace et tant d'éternité accumulée?

Miguel Angel Asturias, Extrait de Poèmes indiens

mardi 3 octobre 2017

Le ciel se nourrit d'ailes


Temps et mort à Copan

Il fut autre, couleurs extraites de la terre,
cet acte de peindre des parois, des tatouages,
par horreur du vain, temps et mort ;
cet acte d'enfermer l'espace entre des murs,
par horreur du vide, temps et mort ;
cet acte de frapper sur la pierre et le bois,
par horreur du silence, temps et mort ;

Il fut autre, calendrier du feu des astres,
cet acte de remonter tant d'Histoire,
par horreur de l'avenir, temps et mort ;
cet acte d'abriter sa face sous des masques,
par horreur du présent, temps et mort ;
cet acte d'effacer l'abstrait avec des nombres,
par horreur de l'éternel, temps et mort ;

Il fut autre, racines et graines dans la terre,
cet acte de peupler de semis les humus,
par horreur de la faim, temps et mort ;
cet acte de répartir les eaux en artères,
par horreur des sècheresses, temps et mort ;
cet acte de choyer la lune avec les yeux,
par horreur des ténèbres, temps et mort.

Il fut autre, religieux engrais transparent,
cet acte d’adorer la pluie, le soleil et la terre,
par horreur de l’incertain, temps et mort ;
cet acte de percer sa langue avec l’épine,
par horreur du doute, temps et mort ;
et cet acte d’apprendre les noms du chemin,
par horreur du retour, temps et mort.

Il fut autre, les sens en amoureuse mousse,
cet acte de gésir dans l’écorce femelle,
par horreur de se dessécher, temps et mort ;
cet acte de lancer les flèches de la vie,
par horreur de les garder siennes, temps et mort ;
et cet acte de rester en fils de la chair,
par horreur de la tombe, temps et mort.

Miguel Angel Asturias, Extrait de Poèmes indiens