« Au bout du compte, dans chaque famille, même les relations muettes et machinales les plus personnelles ont une dimension politique, puisqu’elles sont une réaction au système politique environnant. Le politique a provoqué bien des maux, sur le plan moral, il a eu des retombées funestes sur toutes les choses, sur tous les êtres. Chaque histoire familiale est aussi, accessoirement, la décalcomanie privée de l’histoire contemporaine.
Certainement, le politique est toujours là, mais on décide soi-même ce qu’on fait ou non : c’est ce qu’on appelle la responsabilité personnelle. Même après coup, ce qu’on va retenir des expériences vécues relève de notre décision. Je crois que les parents, l’origine, le bonheur ou le malheur de l’enfance ne peuvent pas servir de prétexte. On est à coup sûr un résultat, mais son propre résultat. Personne ne peut vous forcer à devenir ce que votre éducation a fait de vous, ni à le rester. L’enfance a une date de péremption assez rapide. Ensuite, on est livré à soi-même, et durant toute sa vie, on doit s’éduquer tout seul, que ça nous plaise ou non. Je ne sais pas comment on s’y prend : pour soi-même, on est d’une telle opacité… Ces choses, on les connaît du dehors, mais leur effet reste une énigme. On ne sait pas comment le vécu fonctionne en nous. »
Herta Müller, Extrait de Tous les chats sautent à leur façon
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