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samedi 31 octobre 2015

Sans-patrie

Sinon, s’il n’y a pas une profonde douleur pour rendre les humains également silencieux, l’un entend plus, l’autre moins, de la puissante mélodie de l’arrière-fond. Beaucoup ne l’entendent plus du tout. Eux sont comme des arbres qui ont oublié leurs racines et qui croient à présent que leur force et leur vie, c’est le bruissement de leurs branches. Beaucoup n’ont pas le temps de l’écouter. Ils ne veulent pas d’heure autour d’eux. Ce sont de pauvres sans-patrie, qui ont perdu le sens de l’existence. Ils tapent sur les touches des jours et jouent toujours la même monotone note diminuée.

Rainer Maria Rilke, Extrait de Notes sur la mélodie des choses

Red Car


vendredi 30 octobre 2015

Ample mélodie

Que ce soit le chant d'une lampe ou bien la voix de la tempête, que ce soit le souffle du soir ou le gémissement de la mer, qui t'environne - toujours veille derrière toi une ample mélodie, tissée de mille voix, dans laquelle ton solo n'a sa place que de temps à autre. Savoir "à quel moment c'est à toi d'attaquer", voilà le secret de ta solitude: tout comme l'art du vrai commerce c'est: de la hauteur des mots se laisser choir dans la mélodie une et commune.

Rainer Maria Rilke, Extrait de Notes sur la mélodie des choses

vendredi 16 octobre 2015

Les couleurs du rien : Toute négation est une détermination

Dans le réel, c’est Spinoza qui a raison: toute détermination est une négation. Toute définition est comme un trait faisant le tour de la chose. Limite. Frontière. Une chose n’apparaît jamais que sur un fond dont elle s’isole, un reste qu’on nie, un infini premier dont on la détache.

Mais dans le rien, c’est l’inverse: toute négation est une détermination. Car il faut un mot pour nier, et ce mot donne sa couleur, sa saveur, en un mot un certain ton au rien. En effet, la négation est toujours l’absence de ce que l’on s’attendait à trouver. C’est pourquoi toute négation nous renseigne sur l’ordre des possibles dans l’objet qui la subit.

Mieux encore: toute négation est un récit. Car l’ordre des possibles usuels qu’elle suppose s’est vu perturbé par un événement qui demeure à expliquer, comme un rien déterminé qui se produit contre toute attente. Ainsi n’est-il point d’attente sans l’imagination de quelque arrivée. Mais alors le rien est tout plein de ce qui n’est pas encore là. Tout est couleur d’attente.

https://jeanpaulgalibert.wordpress.com/2015/10/10/les-couleurs-du-rien-2-toute-negation-est-une-determination/

lundi 12 octobre 2015

ARkStorm


Limonade rhubarbe


La culture

Une société ne fournira que la culture qui la sécurise, celle qui a le moins de chance de la remettre en cause. Elle cherchera toujours, par la culture qu'elle choisit, à diffuser le moyen de créer chez l'individu la structure mentale favorable à sa survie. La culture! Voilà encore un mot qui a tant de sens qu'il est bien près de ne plus en avoir du tout.

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

jeudi 8 octobre 2015

Le coeur de la reine


Aimer

Aimer l’autre, cela devrait vouloir dire que l’on admet qu’il puisse penser, sentir, agir de façon non conforme à nos désirs, à notre propre gratification, accepter qu’il vive conformément à son système de gratification personnel et non conformément au nôtre. Mais l’apprentissage culturel au cours des millénaires a tellement lié le sentiment amoureux à celui de possession, d’appropriation, de dépendance par rapport à l’image que nous nous faisons de l’autre, que celui qui se comporterait ainsi par rapport à l’autre serait en effet qualifié d’indifférent.

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

mercredi 7 octobre 2015

Chaperonnette à pois


Structure

Nous ne vivons que pour maintenir notre structure biologique, nous sommes programmés depuis l'œuf fécondé pour cette seule fin, et toute structure vivante n'a pas d'autre raison d'être, que d'être.

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

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jeudi 1 octobre 2015

L'imaginaire

« L’imaginaire s’apparente ainsi à une contrée d’exil où l’on trouve refuge lorsqu’il est impossible de trouver le bonheur parce que l’action gratifiante en réponse aux pulsions ne peut être satisfaite dans le conformisme socio-culturel. C’est lui qui crée le désir d’un monde qui n’est pas de ce monde. Y pénétrer, c’est choisir la meilleure part, celle qui ne sera point enlevée. Celle où les compétitions hiérarchiques pour l’obtention de la dominance disparaissent, c’est le jardin intérieur que l’on modèle à sa convenance et dans lequel on peut inviter des amis sans leur demander, à l’entrée, de parchemin, de titres ou de passeport. C’est l’Eden, le paradis perdu, où les lys des champs ne filent, ni ne tissent. On peut alors rendre à César ce qui est à César et à l’imaginaire ce qui n’appartient qu’à lui. On regarde, de là, les autres vieillir prématurément, la bouche déformée par le rictus de l’effort compétitif, épuisés par la course au bonheur imposé qu’ils n’atteindront jamais. »

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite