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jeudi 27 octobre 2016

Hydrangea


L'art des merveilles

"Un des résultats de mon observation du mandala a été de comprendre que c'est en leur accordant notre attention que nous faisons apparaître des endroits merveilleux, et non en trouvant des endroits "vierges" qui nous émerveillent."

David G. Haskell, Extrait de Un an dans la vie d'une forêt

mercredi 19 octobre 2016

Keitakuen


Qui ne soit pas de ce monde

"Ce monde, tel qu'il est fait, n'est pas supportable. J'ai donc besoin de la lune, ou du bonheur, ou de l'immortalité, de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde."

Albert Camus, Extrait de Caligula

Ursa Major


jeudi 13 octobre 2016

Lumière triomphante

"Même si la lumière est aujourd'hui triomphante, victorieuse, culturiste, nous avons besoin de la mélancolie du néon, de la bougie, liée à notre être, à notre mortalité. Qu'il n'y ait plus de nuances dans la lumière (en dépit des variations de couleurs ou de mise en scène) nous déprime. On veut nous rendre éternels, on veut que le jour soit éternel."

Roberto Peregalli, Extrait de Les lieux et la poussière; Sur la beauté de l'imperfection

samedi 8 octobre 2016

Le mois de brumaire


Rapports de mouvement

« En effet la proposition cinétique nous dit qu'un corps se définit par des rapports de mouvement et de repos, de lenteur et de vitesse entre particules. C'est-à-dire : il ne se définit pas par une forme ou des fonctions. La forme globale, la forme spécifique, les fonctions organiques dépendront des rapports de vitesse et de lenteur. Même le développement d'une forme dépend de ces rapports, et non l'inverse. L'important, c'est de concevoir la vie, chaque individualité de vie, non pas comme une forme, ou un développement de forme, mais comme un rapport complexe entre vitesses différentielles, entre ralentissement et accélération de particules. Une composition de vitesses et de lenteurs sur un plan d'immanence. Il arrive de même qu'une forme musicale dépende d'un rapport complexe entre vitesses et lenteurs des particules sonores. Ce n'est pas seulement affaire de musique, mais de manière de vivre : c'est par vitesse et lenteur qu'on se glisse entre les choses, qu'on se conjugue avec autre chose : on ne commence jamais, on ne fait jamais table rase, on se glisse entre, on entre au milieu, on épouse ou impose des rythmes. »

Gilles Deleuze, Extrait de Spinoza: Philosophie pratique

Structures histologique


Bégayer dans sa propre langue

"Un style, c’est arriver à bégayer dans sa propre langue. C’est difficile parce qu’il faut qu’il y ait nécessité d’un tel bégaiement. Non pas être bègue dans sa parole, mais être bègue du langage lui-même. Etre comme un étranger dans sa propre langue. Faire une ligne de fuite. Les exemples les plus frappants pour moi: Kafka, Beckett, Gherasim Luca, Godard.

Gherasim Luca est un grand poète parmi les plus grands: il a inventé un prodigieux bégaiement, le sien. Il lui est arrivé de faire des lectures publiques de ses poèmes; deux cents personnes, et pourtant c’était un événement, c’est un événement qui passera par ces deux cents, n’appartenant à aucune école ou mouvement. Jamais les choses ne se passent là où on croit, ni par les chemins qu’on croit."

Gilles Deleuze, Claire Parnet, Extrait de Dialogues

Que la terre te soit légère


vendredi 7 octobre 2016

Mine de Muzo


Deux gris

"Il y a un gris qui est le gris de l’échec. Et puis il y a un autre gris. Il y a un autre gris. Qu’est ce que c’est ? Il y a un gris qui est celui de la couleur qui monte. Il y aurait deux gris ? Là je sens...on peut...ça touche tellement des ... ou bien il y aurait beaucoup de gris, il y aurait énormément de gris. En tous cas ce n’est pas le même gris. Le gris des couleurs qui se mélangent, ça, c’est le gris de l’échec. Et puis un gris qui serait peut être comme le gris du brasier, qui serait peut-être un gris essentiellement lumineux, un gris d’où les couleurs sortent."

Gillses Deleuze, Extrait du Cours 14 du 31.03.81 - 3

Love Shack


lundi 3 octobre 2016

L'art conserve

"Le jeune homme sourira sur la toile autant que celle-ci durera. Le sang bat sous la peau de ce visage de femme, et le vent agite une branche, un groupe d'hommes s'apprête à partir. Dans un roman ou dans un film, le jeune homme cessera de sourire, mais recommencera si l'on se reporte à telle page ou à tel moment. L'art conserve, et c'est la seule chose au monde qui se conserve."

Gilles Deleuze, Félix Guattari, Extrait de Qu'est-ce que la philosophie?

dimanche 2 octobre 2016

Odes et ballades


Plans sur le chaos

« Nous demandons seulement un peu d’ordre pour nous protéger du chaos. Rien n’est plus douloureux, plus angoissant qu’une pensée qui s’échappe à elle-même, des idées qui fuient, qui disparaissent à peine ébauchées,… Nous perdons sans cesse nos idées. C’est pourquoi nous voulons tant nous accrocher à des opinions arrêtées… Mais l’art, la science, la philosophie exigent davantage : ils tirent des plans sur le chaos. Ces trois disciplines ne sont pas comme les religions qui invoquent des dynasties de dieux, ou l’épiphanie d’un seul dieu pour peindre sur l’ombrelle un firmament d’où dériveraient nos opinions. La philosophie, la science et l’art veulent que nous déchirions le firmament et que nous plongions dans le chaos. Nous ne le vaincrons qu’à ce prix. »

Gilles Deleuze, Félix Guattari, Extrait de Qu'est-ce que la philosophie ?

Framboise et lime


L'Ermite

" Pensant à la figure de l'ermite, je dessinai ce bambou sur rouleau vertical. N'est-il pas vrai qu'on peut partout voir la lune, entendre des sons de flûte, ou rencontrer des marchands munis de précieuses étoffes rouges? Unique, en revanche, est la figure de l'ermite, qui ne se retrouve plus en ce bas monde."

François Cheng, Extrait de Souffle-Esprit

Nèphèsh


En deviner les secrets

"Lorsque je regarde attentivement les pierres, je m’applique parfois, non sans naïveté, à en deviner les secrets. Je me laisse glisser à concevoir comment se formèrent tant d’énigmatiques merveilles, nées de lois que très souvent elles paraissent violer, comme si elles étaient issues d’un tumulte et, pour tout dire, d’une fête que bannit désormais leur mode d’existence. Je m’efforce de les saisir en pensée à l’ardent instant de leur genèse. Il me vient alors une sorte d’excitation très particulière. Je me sens devenir un peu de la nature des pierres. En même temps, je les rapproche de la mienne grâce aux propriétés insoupçonnées qu’il m’arrive de leur attribuer au cours de spéculations tour à tour précises et lâches, où se composent la trame du songe et la chaîne du savoir. Là s’échafaudent et s’écroulent sans cesse de fragiles édifices, peut-être nécessaires. La métaphore y épaule (ou y corrompt) le syllogisme; la vision nourrit la rigueur (ou la fourvoie). Entre la fixité de la pierre et l’effervescence mentale, s’établit une sorte de courant où je trouve pour un moment, mémorable il est vrai, sagesse et réconfort. Pour un peu, j’y verrais le germe possible d’une espèce inédite et paradoxale de mystique. Comme les autres, elle conduirait l’âme au silence d’une demi-heure, elle l’amènerait à se dissoudre dans quelque immensité inhumaine. Mais cet abîme n’aurait rien de divin et serait même tout matière et matière seule, matière active et turbulente des laves et des fusions, des séismes, des orgasmes et des grandes ordalies tectoniques ; et matière immobile de la plus longue quiétude."

Roger Caillois, Extrait de Pierres