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dimanche 28 septembre 2014

Les 43 minutes nécessaires

« La pire violence que l'on peut exercer sur un sujet, c'est la confiscation de son rythme interne, l'expérience intime du temps. Nous avons tous pour nous constituer une expérience intime d'une temporalité qui est dans notre fort intérieur une négociation nécessaire et irréductible entre la précipitation de la pulsion qui veut tout, tout de suite et sans tarder donc qui n'est pas sans rapport avec la pulsion de mort; c'est à dire que le sujet est prête à jouir quitte à s'abolir ou prêt a s'abolir plutôt que de ne pas jouir. Et que d'un autre côté, il y a en lui un déploiement temporel, quelque chose qui exige un rythme, une patience car la parole se déroule dans une temporalité, un tempo qui a son rythme et qui demande sa patience. Écouter l'autre, c'est être patient. Le mot patient étant revenu dans l'expérience psychanalytique pour ne pas seulement dire qu'il y a quelqu'un qui pâtit, qui est dans la souffrance mais quelqu'un qui entre dans la patience. C'est à dire qui entre dans l'expérience d'un temps partagé et dans une distension temporelle à laquelle il va falloir trouver son tempo optimum et surtout protéger le sujet de la précipitation pulsionnelle où il engouffre son désir, et où la société de consommation l'attend et lui fait des propositions immédiates. » 

Marie-José Mondzain

vendredi 26 septembre 2014

La viande

Il ne comprenait bien qu'une chose : le puits avalait des hommes par bouchées de vingt et de trente, et d'un coup de gosier si facile, qu'il semblait ne pas les sentir passer. Dès quatre heures, la descente des ouvriers commençait. Ils arrivaient de la baraque, pieds nus, la lampe à la main, attendant par petits groupes d'être en nombre suffisant. Sans un bruit, d'un jaillissement doux de bête nocturne, la cage de fer montait du noir, se calait sur les verrous, avec ses quatre étages contenant chacun deux berlines pleines de charbon. Des moulineurs, aux différents paliers, sortaient les berlines, les remplaçaient par d'autres, vides ou chargées à l'avance des bois de taille. Et c'était dans les berlines vides que s'empilaient les ouvriers, cinq par cinq, jusqu'à quarante d'un coup, lorsqu'ils tenaient toutes les cases. Un ordre partait du porte-voix, un beuglement sourd et indistinct, pendant qu'on tirait quatre fois la corde du signal d'en bas, "sonnant à la viande", pour prévenir de ce chargement de chair humaine. Puis, après un léger sursaut, la cage plongeait silencieuse, tombait comme une pierre, ne laissait derrière elle que la fuite vibrante du câble.

Emile Zola, Germinal

lundi 15 septembre 2014

La violence des justes

« Toute autorité imposée par la force est à combattre. Mais la force, la violence, ne sont pas toujours du côté où l’on croit les voir. La violence institutionnalisée, celle qui prétend s’appuyer sur la volonté du plus grand nombre, plus grand nombre devenu gâteux non sous l’action de la marijuana, mais sous l’intoxication des mass média et des automatismes culturels traînant leur sabre sur le sol poussiéreux de l’histoire, le violence des justes et des bien-pensants, ceux-là même qui envoyèrent le Christ en croix, toujours solidement accrochés à leur temple, leurs décorations et leurs marchandises, la violence qui s’ignore ou se croit justifiée, est fondamentalement contraire à l’évolution de l’espèce. Il faut la combattre et lui pardonner car elle ne sait pas ce qu’elle fait. On ne peut en vouloir à des êtres inconscients, même si leur prétention a quelque chose d’insupportable souvent. Prendre systématiquement le parti du plus faible est une règle qui permet pratiquement de ne jamais rien regretter. Encore faut-il ne pas se tromper dans le diagnostic permettant de savoir qui est le plus faible. (…) Et tout cela n’est valable que si vraiment vous ne pouvez pas vous faire plaisir autrement. Si, en d’autres termes, vous êtes foncièrement masochiste. Sans quoi, la fuite est encore préférable et tout aussi efficace, à condition qu’elle soit dans l’imaginaire. Aucun passeport n’est exigé. »

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

Tigre de feu


dimanche 14 septembre 2014

Exiger l’existence

«Mais exiger l’existence, ce n’est pas l’attendre en vain ; ce n’est même pas la réclamer avec force ou l’arracher violemment à quelque monopole : c’est la faire soi-même, dès maintenant, et l’infliger à tout le reste : exiger l’existence, c’est créer, faire son existence en faisant exister.

Chacun sent que l’existence est encore inouïe, mais déjà irrépressible : ce n’est pas seulement le désir d’exister qui persiste ni même l’exigence d’exister qui insiste, c’est le droit d’exister qu’on exige avec cette conscience toujours plus claire que, même si l’existence nous est due, nul ne nous la donnera : c’est à nous de la faire, comme l’artiste crée l’œuvre, tout seul, et pourtant si multiple.

Pour ce faire, et pour se faire, nul pouvoir n’est à prendre. Nulle violence jamais n’est à exercer : il suffit d’occuper hardiment la position du temps : il suffit de créer du neuf pour que l’ancien vieillisse : bientôt il sera bon à porter au musée.

Nous aurons gagné, sans le moindre combat, lorsque chacun rira de ce qui nous écrase. Créons, créons sans cesse : et périmons par là ce qui prive d’être.»

dimanche 7 septembre 2014

Un état de douleur sans souffrance

Ça va très loin, l’écriture… Jusqu’à en finir avec. C’est quelquefois intenable. Tout prend un sens par rapport à l’écrit, c’est à devenir fou. Les gens qu’on connaît on ne les connaît plus et ceux qu’on ne connaît pas on croit les avoir attendus. C’était sans doute simplement que j’étais déjà, un peu plus que les autres gens, fatiguée de vivre. C’était un état de douleur sans souffrance.

Marguerite Duras, Écrire

Le fantôme de la salle de bain


Going To A Town

Lettre d’Albert Camus à René Char

Mon cher René,

Je suppose que vous avez maintenant reçu L'Homme révolté. La sortie en a été un peu retardée par des embarras d'imprimerie. Naturellement, je réserve pour votre retour un autre exemplaire, qui sera le bon. Bien avant que le livre soit sorti, les pages sur Lautréamont, parues dans les Cahiers du Sud, ont suscité une réaction particulièrement sotte et naïve, et qui se voulait méchante de Breton. Décidément, il n'en finira jamais avec le collège. J'ai répondu, sur un autre ton, et seulement parce que les affirmations gratuites de Breton risquaient de faire passer le livre pour ce qu'il n'était pas. Ceci pour vous tenir au courant de l'actualité bien parisienne, toujours aussi frivole et lassante, comme vous le voyez.

Je le ressens de plus en plus, malheureusement. D'avoir expulsé ce livre m'a laissé tout vide, et dans un curieux état de dépression « aérienne ». Et puis une certaine solitude… Mais ce n'est pas à vous que je peux apprendre cela. J'ai beaucoup pensé à notre dernière conversation, à vous, à mon désir de vous aider. Mais il y a en vous de quoi soulever le monde. Simplement, vous recherchez, nous recherchons le point d'appui. Vous savez du moins que vous n'êtes pas seul dans cette recherche. Ce que vous savez peut-être mal c'est à quel point vous êtes un besoin pour ceux qui vous aiment et, qui sans vous, ne vaudraient plus grand chose. Je parle d'abord pour moi qui ne me suis jamais résigné à voir la vie perdre de son sens, et de son sang. A vrai dire, c'est le seul visage que j'aie jamais connu à la souffrance. On parle de la douleur de vivre. Mais ce n'est pas vrai, c'est la douleur de ne pas vivre qu'il faut dire. Et comment vivre dans ce monde d'ombres ? Sans vous, sans deux ou trois êtres que je respecte et chéris, une épaisseur manquerait définitivement aux choses. Peut-être ne vous ai-je pas assez dit cela, mais ce n'est pas au moment où je vous sens un peu désemparé que je veux manquer à vous le dire. Il y a si peu d'occasions d'amitié vraie aujourd'hui que les hommes en sont devenus trop pudiques, parfois. Et puis chacun estime l'autre plus fort qu'il n'est, notre force est ailleurs, dans la fidélité. C'est dire qu'elle est aussi dans nos amis et qu'elle nous manque en partie s'ils viennent à nous manquer. C'est pourquoi aussi, mon cher René, vous ne devez pas douter de vous, ni de votre œuvre incomparable : ce serait douter de nous aussi et de tout ce qui nous élève. Cette lutte qui n'en finit plus, cet équilibre harassant (et à quel point j'en sens parfois l'épuisement !) nous unissent, quelques-uns, aujourd'hui. La pire chose après tout serait de mourir seul, et plein de mépris. Et tout ce que vous êtes, ou faites, se trouve au-delà du mépris.

Revenez bien vite, en tous cas. Je vous envie l'automne de Lagnes, et la Sorgue, et la terre des Atrides. L'hiver est déjà là et le ciel de Paris a déjà sa gueule de cancer. Faites provisions de soleil et partagez avec nous.

Très affectueusement à vous

A.C.

Amitiés aux Mathieu, aux Roux, à tous.

There's No Place Like Home


samedi 6 septembre 2014

Les livres

«Je prends goût à lire. Je me mets dans tous les livres qui me tombent sous la main et ne m'en retire que lorsque le rideau tombe. Un livre est un monde, un monde fait, un monde avec un commencement et une fin. Chaque page d'un livre est une ville. Chaque ligne est une rue. Chaque mot est une demeure. Mes yeux parcourent la rue, ouvrant chaque porte, pénétrant dans chaque demeure.»

Réjean Ducharme, L'avalée des avalés

De l'enseignement de l'ignorance

Je suis Bérénice

«Je suis folle à lier. Je me mets debout sur mon lit, boxe, salue à la Hitler, m'incline sous un orage d'applaudissements, serre la main à Blalabaléva, Sargatatalituva, Skararoutoukiva, Sinoirouissardan, Allagatatolaliève et d'autres joyeux lurons. Je suis la grande Bérénice d'un bout à l'autre du fleuve Saint-Laurent, d'un bout à l'autre de la voie lactée. Je suis Bérénice jusque dans les quatre petites plumes noires perdues dans les milliards de petites plumes blanches de mon oreiller. Qu'ils viennent, les êtres humains, ces insalubres, ces agonisants moribonds !»

Réjean Ducharme, L'avalée des avalés

lundi 1 septembre 2014

Symbolisme du tissage (partie IV)

Une autre forme du symbolisme du tissage, qui se rencontre aussi dans la tradition hindoue, est l’image de l’araignée tissant sa toile, image qui est d’autant plus exacte que l’araignée forme cette toile de sa propre substance (1). En raison de la forme circulaire de la toile, qui est d’ailleurs le schéma plan du sphéroïde cosmogonique, c’est-à-dire de la sphère non fermée à laquelle nous avons déjà fait allusion, la chaîne est représentée ici par les fils rayonnant autour du centre, et la trame par les fils disposés en circonférence concentriques (2). Pour revenir de là à la figure ordinaire du tissage, il n’y a qu’à considérer le centre comme indéfiniment éloigné, de telle sorte que les rayons deviennent parallèles, suivant la direction verticale, tandis que les circonférences concentriques deviennent des droites perpendiculaires à ces rayons, c’est-à-dire horizontales.

1 — Commentaire de Shankarâchârya sur les Brahma-Sûtras, 2e Adhyâya, 1er Pâda, sûtra 25.

2 — L’araignée, se tenant au centre de sa toile, donne l’image du soleil entouré de ses rayons ; elle peut ainsi être prise comme une figure du « Cœur du Monde ».

En résumé, on peut dire que la chaîne, ce sont les principes qui relient entre eux tous les mondes ou tous les états, chacun de ses fils reliant des points correspondants dans ces différents états, et que la trame, ce sont les ensembles d’événements qui se produisent dans chacun des mondes, de sorte que chaque fil de cette trame est, comme nous l’avons déjà dit, le déroulement des événements dans un monde déterminé. À un autre point de vue, on peut dire encore que la manifestation d’un être dans un certain état d’existence est, comme tout événement quel qu’il soit, déterminée par la rencontre d’un fil de la chaîne avec un fil de la trame. Chaque fil de la chaîne est alors un être envisagé dans sa nature essentielle, qui, en tant que projection directe du « Soi » principiel, fait le lien de tous ses états, maintenant son unité propre à travers leur indéfinie multiplicité.

Dans ce cas, le fil de la trame que ce fil de la chaîne rencontre en un certain point correspond à un état défini d’existence, et leur intersection détermine les relations de cet être, quant à sa manifestation dans cet état, avec le milieu cosmique dans lequel il se situe sous ce rapport. La nature individuelle d’un être humain, par exemple, est la résultante de la rencontre de ces deux fils ; en d’autres termes, il y aura toujours lieu d’y distinguer deux sortes d’éléments, qui devront être rapportés respectivement au sens vertical et au sens horizontal : les premiers expriment ce qui appartient en propre à l’être considéré, tandis que les seconds proviennent des conditions du milieu.

Ajoutons que les fils dont est formé le « tissu du monde » sont encore désignés, dans un autre symbolisme équivalent, comme les « cheveux de Shiva » (1) ; on pourrait dire que ce sont en quelque sorte les « lignes de force » de l’Univers manifesté, et que les directions de l’espace sont leur représentation dans l’ordre corporel. On voit sans peine de combien d’applications diverses toutes ces considérations sont susceptibles ; mais nous n’avons voulu ici qu’indiquer la signification essentielle de ce symbolisme du tissage, qui est, semble-t-il, fort peu connu en Occident (2).

1 — Nous y avons fait allusion plus haut, au sujet des directions de l’espace.

2 — On trouve cependant des traces d’un symbolisme du même genre dans l’antiquité gréco-latine, notamment dans le mythe des Parques ; mais celui-ci semble bien ne se rapporter qu’aux fils de la trame, et son caractère « fatal » peut en effet s’expliquer par l’absence de la notion de la chaîne, c’est-à-dire par le fait que l’être est envisagé seulement dans son état individuel, sans aucune intervention consciente (pour cet individu) de son principe personnel transcendant. Cette interprétation est, d’ailleurs, justifiée par la façon dont Platon considère l’axe vertical dans le mythe d’Er l’Arménien (République, livre X) : suivant lui, en effet, l’axe lumineux du monde est le « fuseau de la Nécessité » ; c’est un axe de diamant, entouré de plusieurs gaines concentriques, de dimensions et de couleurs diverses, qui correspondent aux différentes sphères planétaires ; la Parque Clotho le fait tourner de la main droite, donc de droite à gauche, ce qui est aussi le sens le plus habituel et le plus normal de la rotation du swastika. — À propos de cet « axe de diamant », signalons que le symbole thibétain duvajra, dont le nom signifie à la fois « foudre » et « diamant », est aussi en rapport avec l’« Axe du Monde ». 

René Guénon, Le symbolisme de la Croix, Chapitre XIV : Le symbolisme du tissage

Silence

Symbolisme du tissage (partie III)

Le symbolisme du tissage n’est pas appliqué seulement aux écritures traditionnelles ; il est employé aussi pour représenter le monde, ou plus exactement l’ensemble de tous les mondes, c’est-à-dire des états ou des degrés, en multitude indéfinie, qui constituent l’Existence universelle. Ainsi, dans les Upanishads, le Suprême Brahma est désigné comme « Ce sur quoi les mondes sont tissés, comme chaîne et trame », ou par d’autres formules similaires (1) ; la chaîne et la trame ont naturellement, ici encore, les mêmes significations respectives que nous venons de définir. D’autre part, d’après la doctrine taoïste, tous les êtres sont soumis à l’alternance continuelle des deux états de vie et de mort (condensation et dissipation, vicissitudes du yang et du yin) (2) ; et les commentateurs appellent cette alternance « le va-et-vient de la navette sur le métier à tisser cosmique » (3).

D’ailleurs, en réalité, il y a d’autant plus de rapport entre ces deux applications d’un même symbolisme que l’Univers lui-même, dans certaines traditions, est parfois symbolisé par un livre : nous rappellerons seulement, à ce propos, le Liber Mundi des Rose-Croix, et aussi le symbole bien connu du Liber Vitæ apocalyptique (4). À ce point de vue encore, les fils de la chaîne, par lesquels sont reliés les points correspondants dans tous les états, constituent le Livre sacré par excellence, qui est le prototype (ou plutôt l’archétype) de toutes les écritures traditionnelles, et dont celles-ci ne sont que des expressions en langage humain (5) ; les fils de la trame, dont chacun est le déroulement des événements dans un certain état, en constituent le commentaire, en ce sens qu’ils donnent les applications relatives aux différents états ; tous les événements, envisagés dans la simultanéité de l’« intemporel », sont ainsi inscrits dans ce Livre, dont chacun est pour ainsi dire un caractère, s’identifiant d’autre part à un point du tissu. Sur ce symbolisme du livre, nous citerons aussi un résumé de l’enseignement de Mohyiddin ibn Arabi : « L’Univers est un immense livre ; les caractères de ce livre sont tous écrits, en principe, de la même encre et transcrits à la Table éternelle, par la plume divine ; tous sont transcrits simultanément et indivisibles ; c’est pourquoi les phénomènes essentiels divins cachés dans le « secret des secrets » prirent le nom de « lettres transcendantes ». Et ces mêmes lettres transcendantes, c’est-à-dire toutes les créatures, après avoir été condensées virtuellement dans l’omniscience divine, sont, par le souffle divin, descendues aux lignes inférieures, et ont composé et formé l’Univers manifesté » (6).

1 — Mundaka Upanishad, 2e Mundaka, 2e Khanda, shruti 5 ; Brihad-Âranyaka Upanishad, 3e Adhyâya, 8e Brâhmana, shrutis 7 et 8. — Le moine bouddhiste Kumârajîva traduisit en chinois un ouvrage sanscrit intitulé Le Filet de Brahma (Fan-wang-king), d’après lequel les mondes sont disposés comme les mailles d’un filet.

2 — Tao-te-king, XVI.

3 — Tchang-houng-yang compare aussi cette alternance à la respiration, l’inspiration active répondant à la vie, l’expiration passive répondant à la mort, la fin de l’une étant d’ailleurs le commencement de l’autre. Le même commentateur se sert encore, comme terme de comparaison, de la révolution lunaire, la pleine lune étant la vie, la nouvelle lune étant la mort, avec deux périodes intermédiaires de croissance et de décroissance. En ce qui concerne la respiration, ce qui est dit ici doit être rapporté aux phases de l’existence d’un être comparé à celui-là même qui respire ; d’autre part, dans l’ordre universel, l’expiration correspond au développement de la manifestation, et l’inspiration au retour au non-manifesté, ainsi qu’il a été dit plus haut ; selon qu’on envisage les choses par rapport à la manifestation ou par rapport au Principe, il ne faut pas oublier de faire l’application du « sens inverse » dans l’analogie.

4 — Nous avons indiqué plus haut que, dans certaines figurations, le livre scellé de sept sceaux, et sur lequel est couché l’agneau, est placé, comme l’« Arbre de Vie », à la source commune des quatre fleuves paradisiaques, et nous avons alors fait allusion a un rapport entre le symbolisme de l’arbre et celui du livre : les feuilles de l’arbre et les caractères du livre représentent pareillement tous les êtres de l’Univers (les « dix mille êtres » de la Tradition extrême-orientale).

5 — Ceci est affirmé expressément du Vêda et du Qorân ; l’idée de l’« Évangile éternel » montre aussi que cette même conception n’est pas entièrement étrangère au Christianisme.

6 — El-Futûhâtul-Mekkiyah. — On pourra faire un rapprochement avec le rôle que jouent également les lettres dans la doctrine cosmogonique du Sepher Ietsirah.

René Guénon, Le symbolisme de la Croix, Chapitre XIV : Le symbolisme du tissage