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mercredi 21 décembre 2016
Neiges
« Et puis vinrent les neiges, les premières neiges de l'absence, sur les grands lés tissés du songe et du réel; et toute peine remise aux hommes de mémoire, il y eut une fraîcheur de linges à nos tempes. Et ce fut au matin, sous le ciel gris de l'aube, un peu avant la sixième heure, comme en un havre de fortune, un lieu de grâce et de merci où licencier l'essaim des grandes odes du silence. »
Saint-John Perse, Extrait du poème Neiges
mardi 20 décembre 2016
L’entre-deux
« Ce qui est entre la pomme et l’assiette se peint aussi. Et, ma foi, il me paraît aussi difficile de peindre l’entre-deux que la chose. Cet entre-deux me paraît un élément aussi capital que ce qu’ils nomment l’objet. C’est justement le rapport de ces objets entre eux et de l’objet avec l’entre-deux, qui constitue le sujet. »
Georges Braque
Principe imaginaire
"Une image qui quitte son principe imaginaire et qui se fixe dans une forme définitive prend peu à peu les caractères de la perception présente. Bientôt, au lieu de nous faire rêver et parler, elle nous fait agir. Autant dire qu'une image stable et achevée coupe les ailes à l'imagination. Elle nous fait déchoir de cette imagination rêveuse qui ne s'emprisonne dans aucune image et qu'on pourrait appeler pour cela une imagination sans images... Sans doute, en sa vie prodigieuse, l'imaginaire dépose des images, mais il se présente toujours comme un au-delà des images, il est toujours un peu plus que ses images."
Gaston Bachelard, Extrait de L'air et les songes : essai sur l'imagination du mouvement
Gaston Bachelard, Extrait de L'air et les songes : essai sur l'imagination du mouvement
jeudi 15 décembre 2016
vendredi 9 décembre 2016
mardi 6 décembre 2016
lundi 5 décembre 2016
Peinture abstraite à la peinture figurative
"Je n’oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace."
Nicolas de Staël
Denrée rare
"Au fur et à mesure que la civilisation urbaine et industrielle assoit sa domination, le niveau de nuisance sonore connaît une inflation exponentielle, qui confine aujourd'hui à la folie. Pour les privilégiés, à l'âge classique de la lecture le silence est encore une denrée rare accessible dont le prix cependant ne cesse d'augmenter."
George Steiner, Extrait de Le silence des livres
dimanche 4 décembre 2016
En toutes choses
« Nous n'avons plus de commencements. Incipit : ce mot latin altier qui signale le début survit en anglais dans le poussièreux inception. Le scribe du Moyen Âge marque le départ d'une ligne, le nouveau chapitre, par une capitale enluminée. Dans son tourbillon doré ou carmin, l'enlumineur de manuscrits dispose des bêtes héraldiques, des dragons au matin, des chanteurs et des prophètes. L'initiale, où ce mot signifie et le commencement et la primauté, tient lieu de fanfare. Elle proclame la maxime de Platon, qui n'a rien d'évident : en toutes choses, naturelles et humaines, l'origine est la plus excellente. »
George Steiner, Extrait de Grammaires de la création
samedi 3 décembre 2016
mardi 29 novembre 2016
dimanche 27 novembre 2016
L'art
"L'art était la fusion du monde paternel et maternel, de l'esprit et du sang, il pouvait partir du fait le plus concret et mener au plus abstrait ou bien prendre son point de départ dans le monde des idées pures et trouver sa fin dans la chair pantelante. Toutes les œuvres d'art vraiment hautes...possédaient ce double visage inquiétant et souriant, ce caractère masculin et féminin, ce mélange d'instinct et de pure spiritualité."
Hermann Hesse, Extrait de Narcisse et Goldmund
vendredi 25 novembre 2016
L'intelligence aime
"L'intelligence aime ce qui est fixe, ce qui a forme; elle veut pouvoir se fier à ses signes, elle aime ce qui est, non ce qui est en devenir; le réel, non le possible. Elle ne tolère pas qu'un oméga devienne un serpent ou un oiseau. L'intelligence ne peut pas vivre dans la nature, mais seulement en face d'elle, comme son contraire."
Hermann Hesse, Extrait de Narcisse et Goldmund
jeudi 24 novembre 2016
Une foule de petits oiseaux
"Souvent il rêvait d’un jardin, un jardin enchanté, planté d’arbres comme ceux des contes, avec des fleurs immenses, des grottes bleuâtres et profondes ; parmi les herbes brillaient les yeux étincelants de bêtes inconnues, aux branches glissaient des serpents lisses et nerveux, aux vignes et aux buissons pendaient des baies énormes, humides et brillantes, elles s’enflaient dans sa main qui les cueillaient et versaient un jus pareil à du sang, ou bien prenaient des yeux et se déplaçaient avec des mouvements langoureux et perfides ; sa main cherchait-elle une branche pour s’appuyer à un arbre, il voyait et sentait entre le tronc et la branche une touffe épaisse de cheveux emmêlés comme les poils au creux des aisselles. Une fois, il rêva de lui-même ou de son saint patron, de Goldmund-Crysostome ; il avait une bouche d’or, et de sa bouche d’or sortaient des mots et ces mots étaient une foule de petits oiseaux qui s’en allaient en voltigeant."
Hermann Hesse, Extrait de Narcisse et Goldmund
mercredi 23 novembre 2016
lundi 21 novembre 2016
Écrire le monde
"Je crois, dit-il, qu’un pétale de fleur ou un vermisseau sur le chemin contient et révèle beaucoup plus de choses que tous les livres de la bibliothèque entière. Avec des lettres et des mots on ne peut rien dire. Parfois j’écris une lettre grecque quelconque, un thêta ou un oméga, et je n’ai qu’à tourner un tout petit peu la plume ; voilà que la lettre prend une queue et devient un poisson et évoque en une seconde tous les ruisseaux et tous les fleuves de la terre, toute sa fraîcheur et son humidité, l’océan d’Homère et les eaux sur lesquelles marcha saint Pierre, ou bien la lettre devient un tout petit oiseau, dresse la queue, hérisse ses plumes, se gonfle, rit et s’envole. Eh bien, Narcisse, tu ne fais sans doute pas grand cas de ces lettres-là ? Mais je te le dis, c’est avec elles que Dieu a écrit le monde."
Hermann Hesse, Extrait de Narcisse et Goldmund
Vois
"Vois, dit-il, il n'y a qu'un point où j'aie sur toi l'avantage. J'ai les yeux ouverts, tandis que tu n'es qu'à demi éveillé ou que parfois tu dors tout à fait. J'appelle un homme en éveil celui qui, de toute sa conscience, de toute sa raison, se connait lui-même, avec ses forces et ses faiblesses intimes qui échappent à la raison et sait compter avec elles.Apprendre cela, voilà le sens que peut avoir pour toi notre rencontre. Chez toi, Goldmund, la nature et la pensée, le monde conscient et le monde des rêves sont séparés par un abîme. Tu as oublié ton enfance. Des profondeurs de ton âme elle cherche à reprendre possession de toi. Elle te fera souffrir jusqu'à ce que tu entendes son appel."
Hermann Hesse, Extrait de Narcisse et Goldmund
La gaieté
"La gaieté n'est ni légèreté, ni complaisance envers soi-même, mais le plus haut degré de la connaissance et de l'amour, la lucidité au bord de tous les abîmes."
Hermann Hesse, Extrait de Le Jeu des perles de verre
samedi 19 novembre 2016
L'enjeu de l'éveil
"L'enjeu de l'éveil, c'était, semblait-il, non la vérité et la connaissance, mais la réalité, le fait de la vivre et de l'affronter. L'éveil ne vous faisait pas pénétrer près du noyau des choses, plus près de la vérité. Ce qu'on saisissait, ce qu'on accomplissait ou qu'on subissait dans cette opération, ce n'était que la prise de position du moi vis-à-vis de l'état momentané de ces choses. On ne découvrait pas des lois, mais des décisions, on ne pénétrait pas dans le coeur du monde, mais dans le coeur de sa propre personne. C'était aussi pour cela que ce qu'on connaissait alors était si peu communicable, si singulièrement rebelle à la parole et à la formulation. Il semblait qu'exprimer ces régions de la vie ne fît pas partie des objectifs de langage."
Hermann Hesse, Extrait de Le Jeu des perles de verre
vendredi 18 novembre 2016
La musique classique
"La musique classique est un geste qui signifie : je sais le tragique de la condition humaine, je me rallie à la cause du destin humain, de la vaillance, de la sérénité ! Que ce soit la grâce d'un menuet de Haendel ou de Couperin, que ce soit de la sensualité sublimée en un geste de tendresse, comme chez beaucoup d'Italiens ou chez Mozart, ou encore l'acceptation tranquille de la mort, comme chez Bach, il y a toujours là une bravade, un héroïsme, un esprit chevaleresque et l'accent d'un rire surhumain, d'une gaieté immortelle. C'est cela qui doit vibrer aussi dans nos jeux de Perles de Verre, dans toute notre vie, dans nos actes et dans nos souffrances."
Hermann Hesse, Extrait de Le Jeu des perles de verre
jeudi 17 novembre 2016
mercredi 16 novembre 2016
mardi 15 novembre 2016
lundi 14 novembre 2016
jeudi 10 novembre 2016
mercredi 9 novembre 2016
Au soleil de cinq heures
« au soleil de cinq heures
cette concordance entre
chaque mot et une partie
du rêve que nous cherchons
avec assiduité et détresse »
cette concordance entre
chaque mot et une partie
du rêve que nous cherchons
avec assiduité et détresse »
Marie Uguay, Extrait de Poèmes
mardi 8 novembre 2016
lundi 7 novembre 2016
La moindre lumière
"Il y a tant de ciel entre nous.
Tant de signaux y dérivent
que noyée, la nuit
se retourne sur le flanc.
Nulle nonchalance dans l'air.
Du noir, strié de noir
où doit jaillir un enchantement
les paupières suçant la moindre lumière
l'ocre douceur tombée sous la paume
l'odeur crevée
de l'âge.
Tant de signaux y dérivent
que noyée, la nuit
se retourne sur le flanc.
Nulle nonchalance dans l'air.
Du noir, strié de noir
où doit jaillir un enchantement
les paupières suçant la moindre lumière
l'ocre douceur tombée sous la paume
l'odeur crevée
de l'âge.
Jean-Marc Lefebvre, Extrait de La tentation des armures
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