Parler n’est pas communiquer. Parler n’est pas s’échanger et troquer – des idées, des objets –, parler n’est pas s’exprimer, désigner, tendre une tête bavarde vers les choses, doubler le monde d’un écho, d’une ombre parlée ; parler c’est d’abord ouvrir la bouche et attaquer le monde avec, savoir mordre. Le monde est par nous troué, mis à l’envers, changé en parlant. Tout ce qui prétend être là comme du réel apparent, nous pouvons l’enlever en parlant. Les mots ne viennent pas montrer des choses, leur laisser la place, les remercier poliment d’être là, mais d’abord les briser et les renverser. « La langue est le fouet de l’air », disait Alcuin ; elle est aussi le fouet du monde qu’elle désigne.
Valère Novarina, Extrait de Devant la parole
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