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mardi 16 octobre 2018

Singulier

« Aussi ne défendrai-je pas une identité culturelle, française ou européenne, comme si l'on pouvait définir celle-ci par différence et la fixer dans son essence. Ou comme si l'on pouvait traiter la culture en termes d'appartenance. Comme si je la possédais « ma » culture. Mais je défends des fécondités culturelles françaises, européennes, telles qu'elles sont déployées en France, en Europe, par des écarts inventifs. Je les défends parce que je leur suis redevable pour mon éducation et que j'en suis par conséquent responsable, à la fois dans leur déploiement et leur transmission. Mais je ne les posséderai pas pour autant. Car ne voit-on pas que les plus attentifs à ces ressources ou fécondités sont si souvent des Étrangers ? - ceux-ci ne sont-ils pas souvent plus soucieux des ressources de la langue française et des corrections que tant de Français dits « natifs » ? Mais il est vrai, en même temps, qu'une culture naît et se développe toujours dans une certaine aire, en un certain milieu, comme l'a vu Nietzsche. Elle advient toujours localement, dans une proximité et dans une ambiance, celle-ci formant prégnance. Au travers donc du singulier - car seul le singulier est créatif. » 

François Jullien, Extrait de Il n'y a pas d'identité culturelle

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