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vendredi 26 juillet 2024

Le temple de Bêl

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La lumière n'est pas conçue

« Rien que pour toi, racine, pour toi, cyclone fourvoyé dans cette strate du langage, le poète a favorisé I'épaississement limoneux du sommeil où tu te ramifies. Le livre dont il est l'otage et le garant, le livre incompulsé, le livre intermittent, tourne sans hâte sur ses gonds dans la terre, et chaque page à ton attouchement prend feu, et sa substance se confond avec, le surcroît de ta sève, avec le progrès de son sang.

Perfectibilité du vide, racine de l'amour. Cette équation, je l'ai vaincue avec un océan de terre ameublie par mon souffle. »

Jacques Dupin, Extrait de Le corps clairvoyant

mercredi 24 juillet 2024

Bassin biscuit

Tu es vent qui traverse les plaques continentales. Impossible de te contenir, de te posséder. Libre, loin de l'assouvi, du repu. Pour le moment, je ne veux pas te désirer autrement. Hier, explosion thermale au bassin “biscuit”, d’après le communiqué, “il s’agit d’un incident en évolution”. Vraiment? Amour de Là-Haut, quand amèneras-tu d’autres mouvements?

Les tempêtes

« Tout va bien avec les tempêtes. Presque un soulagement. J’écoute. La corne de brume propulse ses ondulations dans le ventre. Les faisceaux du phare tournent avec régularité. De l’homme au soleil, il n’y a qu'un pas. Le doigt sur l’interrupteur, la cage d’escalier ressemble à un jeu de dominos orangé. Mon corps est l’endroit où le voyage recommence. Broyée par les vents, j’attrape la bouteille de plastique sur la table de cuisine, défais le vélo des toiles d’araignée du hangar. Le phare enfonce ses rayons dans un voile de lande. Cassure végétale des manteaux sous la tourbe. »

 Laure Morali, Extrait de Comment va le monde avec toi

mardi 23 juillet 2024

Pensée mobile

Sous le manteau de pluie, du fusain plein les poches. Devant le pays carbonisé. En face d'une homogénéité diffusant la bonne densité de noir. J'observe. Le lac immobile. Les arbres immobiles. Les roches immobiles. Sur la surface encrée de mon cerveau, il y a cette image dansante de toi. Sans fla-fla. Nu. Ton sans fard. Tendre. Enfouir la mouvance de ton corps titane dans mes mystères carbones, afin de le dater à nouveau. Pourquoi pas. Et à nouveau, le lac immobile. Les arbres immobiles. Les roches immobiles.

samedi 20 juillet 2024

Dentelle estivale

Dentelle estivale

Sans malentendu

Il y a quelque chose qui me rappelle ma langue maternelle dans la poésie. Pour être sans malentendu, je parle de la langue des signes, le LSQ. Peut-être que c'est l'éclosion de petits idéogrammes apparaissant sous les bouquets de phrases ou bien cette puissance d'évocation au cœur du concis? Je n'ai aucune certitude quant à la réponse, parfois la clarté ne se voit que dans une sorte d'imprécision. Chose certaine, les mots sont signés.

mercredi 17 juillet 2024

Papier Canson

Des teintes fauves à cette part grêleuse, tu décantes l’ensemble des nuances de ces matins où le froid danse comme la main du peintre. Le bonheur est une affaire de peu de choses. Thé fumant dans la froidure, toi, humant la bergamote et toutes ces choses du silencieux pour nous seuls.

samedi 13 juillet 2024

Brume

« Que de rêves la brume étrangère avait comblés en lui ! que de boutons elle avait fait éclore, que de curiosités et de désirs elle avait apaisés et combien elle en avait éveillés de nouveaux ! »

Hermann Hesse, Extrait de Narcisse et Goldmund

vendredi 12 juillet 2024

Voir, et voir

« Bien pauvres sont ceux qui ont besoin de mythes. Ici les dieux servent de lits ou de repères dans la course des journées. Je décris et je dis : « Voici qui est rouge, qui est bleu, qui est vert. Ceci est la mer, la montagne, les fleurs. » Et qu'ai-je besoin de parler de Dionysos pour dire que j'aime écraser les boules de lentisques sous mon nez ? Est-il même à Déméter ce vieil hymne à quoi plus tard je songerai sans contrainte : « Heureux celui des vivants sur la terre qui a vu ces choses. » Voir, et voir sur cette terre, comment oublier la leçon ? Aux mystères d'Éleusis, il suffisait de contempler. Ici même, je sais que jamais je ne m'approcherai assez du monde. »

Albert Camus, Noces suivi de L'été

jeudi 11 juillet 2024

Les Saturnales

Les Saturnales

Guagua Putina

Un vent rapace soulève la nuit, les restes de l'ouragan Beryl, se fracassent à ma fenêtre. Toute cette pluie silicate infiltrant la lourdeur estivale, une trêve, un moment d'attention vers le Grand Dehors et voilà, qu'au travers des trombes du cadavre tempétueux, j'aperçois les signaux fumerolles. Volutes. La profondeur du soir se fendille, d'une mélodie enfumée, longtemps oubliée. De ses trois cratères sommitaux, le Guagua Putina souffle enfin ses arabesques "subductives". Une certaine joie émerge.

vendredi 5 juillet 2024

Shanshui

Retrace la trajectoire et relie l'ensemble des points, leurs mouvances. Ce qui danse vers toi est la ligne du rêve, pour chaque mot, un point; voilà que tu observes la migration des lettres transcendantes, l'inscription qui traverse l'ellipse; une parcelle de l'espace est ainsi occupé, montagnes et eaux.

Nourrit le vital au vide médian, le séjour des immortels sera ainsi révélé, chaque soir, chaque matin. Ondines et dryades. Cette parole migratoire a bien le pouvoir des fractures, la puissance de scinder le paysage afin qu'émergent les morcellements. Son voir est fractal.

lundi 1 juillet 2024

Ce jour là

[...]Ce jour là j'me suis dit qu'il aurait mieux fallu rester chez moi
Ce jour là j'me suis dit qu'il aurait mieux fallu rester chez moi

- Fallu... Fallu... C'est... C'est un mot ? C'est, c'est quoi, c'est heu ? Passé compliqué ça ?
- Non il aurait, il aurait mieux fallu c'est, euh, conditionnel passé première forme. Tu vois là on aurait pu dire "il aurait mieux valu" aussi, mais, du verbe valoir. C'eut été plus élégant.
- Alors ?
- Ben, voilà.
- Alors ?

Putain, Marine le Pen, oh non

Marine le Pen, non mais
Tu le crois pas
Tu le crois pas putain
Marine le Pen, oh non
Mais Marine le Pen, non mais
Tu le crois pas
Tu le crois ça ?
Compositeur: Phillippe Katerine, Album Robots Après Tout

Regarder dans la fenêtre de temps donné

Je hante souvent les mêmes lieux à la recherche des éléments qui forgent le regard des peintres. À chaque fois, je réapprivoise ces espaces; de manière sauvage; vierges de tout regard.

Il y a un nouveau joueur qui modifie nos paysages, c’est le roseau commun (phragmite), il nuit à la biodiversité, aux terres humides, et fait disparaître notre célèbre quenouille. Depuis plus d’une dizaine d’années, je le regarde gagner du terrain en magnifique talle d’or sur nos terres, atteignant parfois des hauteurs vertigineuses. Je n’ai pas le souci d’une botaniste, mais le questionnement visuel d’une artiste, à savoir la proportion des jaunes qui recouvriront ma palette habituelle et le temps que je mettrai à oublier l’ancienne.