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samedi 28 janvier 2017
Désordre et néant
" « Désordre » et « néant » désignent donc réellement une présence – la présence d'une chose ou d'un ordre qui ne nous intéresse pas, qui désappointe notre effort ou notre attention ; c'est notre déception qui s'exprime quand nous appelons absence cette présence. "
Henri Bergson, Extrait de La Pensée et le Mouvant
Se brancher sur du vital
"Le paysage n'est plus alors à « regarder », à « représenter », les deux verbres qui lui sont plus couramment accolés dans nos langues; mais il se branche sur du vital. Si donc je risque ce « vivre de » dont je fait titre, tirant parti de ce « de » remontant vers un plus originaire, en deçà de la manière ou du moyen, au point que la séparation du concret et de l'abstrait en vient à s'y défaire (comme on dit familièrement d'une formule qui se veut suffisante dans son bonheur: « vivre d'amour et d'eau fraîche »), c'est pour faire jour à cette autre possibilité: pour penser à ce que nous appelons « paysage » non plus comme la « partie » de pays de nature « présente » à un « observateur », selon sa définition ordinaire, mais en tant que ressource où vivre peut indinfiniment puiser."
François Jullien, Extrait de Vivre de paysage ou L'impensé de la Raison
vendredi 27 janvier 2017
Face au paysage
"On peut s'arrêter face au paysage comme devant un « spectacle » — spectaculum, dit Pétraque, du haut du Ventoux: le regarder « d'un point de vue », en contempler l'harmonie et la variété, en apprécier la composition; et peut-être y déceler, plus minutieux, quelque géométrie sous-jacente. On peut aussi scruter l'horizon bornant cette étendue, en balayer le panorama en « observateur », déclarer: « C'est beau! », et s'en aller.
Mais un paysage peut être tout autre chose."
François Jullien, Extrait de Vivre de paysage ou L'impensé de la Raison
lundi 23 janvier 2017
L'imagination
"L'imagination n'est pas, comme le suggère l'étymologie, la faculté de former des images de la réalité ; elle est la faculté de former des images qui dépassent la réalité, qui chantent la réalité. Elle est une faculté de surhumanité."
Gaston Bachelard, Extrait de L'eau et les rêves : Essai sur l'imagination de la matière
dimanche 22 janvier 2017
samedi 21 janvier 2017
La perception
"La perception n'est pas une science du monde, ce n'est pas même un acte, une prise de position délibérée, elle est le fond sur lequel tous les actes se détachent et elle est présupposée par eux."
Maurice Merleau-Ponty, Extrait de Phénoménologie de la perception
mercredi 11 janvier 2017
mardi 10 janvier 2017
D'autres mots
oui tu dis cela
un rien recoud la peine
l'absence ne meurt jamais
tu ne le dis à personne
tu ferais autrement
peut-être t'étendrais-tu
à côté du silence
entendre mieux ce qui s'en va
tu regardais les mains
l'espace infini du vertige
les voltiges des caresses
tu regardais ce qui ne se voit pas
toutes les paroles épuisées
le poème cette bouche ouverte
tu ne mesures ni ne pèses les volutes
ce qui reste continue de s'échapper
comme des mots sur une toile
qu'appellent d'autres mots
un rien recoud la peine
l'absence ne meurt jamais
tu ne le dis à personne
tu ferais autrement
peut-être t'étendrais-tu
à côté du silence
entendre mieux ce qui s'en va
tu regardais les mains
l'espace infini du vertige
les voltiges des caresses
tu regardais ce qui ne se voit pas
toutes les paroles épuisées
le poème cette bouche ouverte
tu ne mesures ni ne pèses les volutes
ce qui reste continue de s'échapper
comme des mots sur une toile
qu'appellent d'autres mots
Jean-Marc Lefèbvre
Jadis
"Aujourd'hui fournit le préambule indispensable de toutes les histoires anciennes. N'importe quel mainenant ouvre une porte vers jadis. Mais c'est un jadis qui doit tout à l'instant qui le rêve bien longtemps après qu'il a eu lieu. Le passé n'a plus d'autre consistance que celle que le présent lui donne. Et on vient à douter parfois qu'il ait vraiment existé."
Philippe Forest, Extrait de Crue
vendredi 6 janvier 2017
jeudi 5 janvier 2017
mercredi 4 janvier 2017
Sol LeWitt à Eva Hesse
Chère Eva,
Cela va faire quasiment un mois que tu m’as écrit, et peut-être as-tu oublié quel était ton état d’esprit (quoique j’en doute). Tu ne changes pas et, fidèle à toi-même, tu ne le supportes pas. Non ! Apprends à dire au monde : « Va te faire foutre ! » une fois de temps en temps. Tu en as le droit.
Cesse un peu de penser, de t’inquiéter, de te méfier, de douter, de t’effrayer, de peiner, d’espérer une issue facile, de lutter, de te cramponner, de t’embrouiller, de gratter, de griffer, de marmonner, de bafouiller, de grogner, de te rabaisser, de broncher, de marmotter, de grommeler, de miser, de culbuter, d’écumer, d’escalader, de trébucher, de tramer, de rouspéter, de pleurnicher, de te lamenter, d’affûter, de désosser, de déconner, de pinailler, de chicaner, de compisser, de trifouiller, de t’emmerder, de te leurrer, de moucharder, de cafarder, de poireauter, de tâtonner, d’abominer, de payer, de scruter, de percher, d’entacher, de trimer, de trimer encore et encore. Arrête – et contente-toi de FAIRE !
D’après ta description, et d’après ce que je sais de ton travail antérieur et de ta capacité ; ton travail semble très bon « Dessin-propre-clair mais dingue comme des machines, en plus grand et en plus vigoureux… véritable non-sens ». Ça m’a l’air bien, formidable – du véritable non-sens. Va plus loin. Encore plus de non-sens, encore plus de dinguerie, encore plus de machines, encore plus de seins, de pénis, de chattes, de ce que tu veux – fais foisonner tout ça avec le non-sens. Essaie de titiller cette chose en toi, ton « humour bizarre ». Tu appartiens à la part la plus secrète de toi-même. Ne te préoccupe pas de ce qui est cool, fais ce qui selon toi n’est pas cool. Fabrique ce qui t’est propre, ton propre monde. Si tu as peur, fais-le fonctionner pour toi – dessine & peins ta peur et ton anxiété. Et cesse de te préoccuper de ces choses grandes et profondes telles qu’« opter pour un but et une manière de vivre, l’approche cohérente d’une finalité même impossible ou d’une finalité même imaginaire ». Tu dois t’entraîner à être stupide, muette, étourdie, vide. Alors tu seras capable de FAIRE !
J’ai grande confiance en toi et bien que tu te tourmentes, ton travail est très bon. Essaie un peu de faire du MAUVAIS travail – le pire qui te vienne à l’esprit et vois ce qui se passe mais surtout détends-toi et envoie tout au diable – tu n’es pas responsable du monde – tu es seulement responsable de ton œuvre – donc FAIS ÇA. Et ne pense pas que ton œuvre doive se conformer à une quelconque forme, idée ou saveur préconçue. Elle peut être tout ce que tu veux qu’elle soit. Mais si la vie était plus facile pour toi en arrêtant de travailler – eh bien arrête. Ne te punis pas. Je pense toutefois que c’est si profondément enraciné en toi qu’il devrait t’être plus facile de FAIRE !
Quelque part, malgré tout, il me semble que je comprends ton attitude, parce que je traverse parfois un processus similaire. Je suis pris dans une « Déchirante Réévaluation » de mon travail et je change tout autant que possible = je déteste tout ce que j’ai fait, et j’essaie de faire quelque chose d’entièrement différent et meilleur. Peut-être ce genre de processus m’est-il nécessaire, parce qu’il me pousse à avancer. Le sentiment que je peux faire mieux que la merde que j’ai faite. Peut-être as-tu besoin de ton déchirement pour accomplir ce que tu fais. Et peut-être que cela t’incite à mieux faire. Mais c’est très douloureux je le sais. Ça irait mieux si tu avais assez confiance pour faire le boulot sans même y penser. Ne peux-tu laisser le « monde » et l’« ART » tranquilles et aussi cesser de flatter ton ego. Je sais que tu (comme n’importe qui) ne peux travailler que jusqu’à un certain point et que le reste du temps tu es livrée à tes pensées. Mais quand tu travailles ou avant de travailler tu dois vider ton esprit et te concentrer sur ce que tu fais. Après que tu as fait quelque chose, c’est fait et c’est comme ça. Au bout d’un moment, tu peux voir que des choses sont meilleures que d’autres mais tu peux voir aussi dans quelle direction tu vas. Je suis sûr que tu sais tout cela. Tu dois aussi savoir que tu n’as pas à justifier ton travail – pas même à tes propres yeux. Bon, tu sais que j’admire grandement ton travail et que je ne comprends pas pourquoi il te tracasse autant. Mais tu peux voir ce qui va suivre et moi non. Tu dois aussi croire en ta capacité. Je crois que c’est le cas. Alors tente les choses les plus outrageantes que tu peux – choque-toi toi-même. Tu as en ton pouvoir la capacité de tout faire.
J’aimerais voir ton travail mais je me contenterai d’attendre août ou septembre. J’ai vu des photos de choses nouvelles de Tom chez Lucy. Elles sont impressionnantes – surtout celles qui ont la forme la plus rigoureuse : les plus simples. Je suppose qu’il en enverra d’autres plus tard. Dis-moi comment se déroulent les expositions et ce genre de choses. Mon travail a changé depuis que tu es partie et il est bien meilleur. Je ferai une exposition du 4 au 9 mai à la Daniels Gallery, 17 East 64th Street (là où était Emmerich), j’espère que tu pourras être là. Mon affection à tous les deux,
Sol
(Source: dossier de presse du Centre Pompidou de Metz pour l'exposition "Sol Lewitt Collectionneur")
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