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dimanche 30 décembre 2018
Cette incertitude de soi
« La peinture, ce tremblement, cette incertitude de soi, cette obligation de modifier, de transgresser, de subvertir le savoir et la connaissance. Où trouver force, sinon dans l’innocence, dans l’insouciance, dans la spontanéité. Travailler sans vouloir, sans savoir, dans la mécanique des gestes et le dépassement inattendu. Être fragile, poreux, indécis et trouble, n’avoir qu’un regard en semi-éveil où un rêve qui file. Être la main qui agit sans contrôle de volonté ou de désir. »
Claude Viallat
La mutique
« Or voici: dans la salle Sainte-Hélène, geôle de la psychiatrie, qui précédait immédiatement Sainte-Agathe aux confins du pavillon Sainte-Marie, il y avait une mutique qui restait dans son cabanon. Internée toute jeune, à quinze ans, elle eut la permission de revenir à la maison et prévint que si on la retournait à Saint-Jean-de-Dieu, jamais plus elle ne parlerait. Sa mère l'y retourna: depuis vingt-huit ans, elle n'a pas dit un seul mot. En 1970, en même temps que moi, s'amènent à Longue-Pointe Philippe et Edmée Koechlin, apôtres de la douceur, ennemis de toute contrainte, champions libérateurs. Ils prennent charge de Sainte-Hélène et consacreront une année à ses dix-sept recluses, dont Céline, la mutique, qui les intéresse tout particulièrement. Ils s'insinuent auprès d'elle, tous les moyens sont bons: ils jouent au papa et à la maman psychiatres. Chaque jour Philippe s'assoit auprès d'elle, lui parlant sans la toucher, tandis qu'Edmée lui tient la main. Ces gens saugrenus, ahurissants, aux-quels Céline ne s'attendait pas, venus spécialement pour elle de France, lui expliquant qu'« ils l'aiment comme l'une de leurs filles ». Et ils l'amènent se promener en auto. Comment Céline, après sa longue ténèbre, toute éblouie par la lumière, n'aurait-elle pas parlé? Elle parla, mettant fin à son mutisme de vingt-huit ans qui faisait toute sa grandeur. Elle se rendit compte de sa perte quand ses parents impromptus, tout fiers d'eux-mêmes, rentrèrent en France pour y céllébrer leur exploit dans un livre paru chez Maspero en 1973, Corridors de sécurité. Céline dira de Philippe Koechlin qu'il « avait une maudite face de serpent » et qu'ils étaient tous deux « des voleurs d'âme ».
Ils l'étaient, en effet, puisque sous des prétextes humanitaires ils avaient abusé d'elle pour la dépouiller du prodigieux silence dans lequel, démunie de tout, dans le plus grand désarroi, elle avait investi tout son coeur, toute son âme. C'est par le silence de Céline que j'ai appris ce que Mariette avait à me dire avec ses mots hachés menus sur une plainte trachérale, qu'on lui avait arraché la voix comme une dent avec un davier sanglant. Eût-elle réappris à parler, elle se fut avilie à des futilités, devenant une petite vieille quelconque. Au travers de ses supplices, elle, acquis une irremplaçable grandeur. La voix d'égorgée restait sans remède. Mariette avait atteint une sorte d'absolu devant lequel on n'a plus rien d'autre à faire qu'à s'incliner humblement. »
Jacques Ferron, Extrait de La conférence inachevée, Le pas de Gamelin
vendredi 21 décembre 2018
Les heures immobiles
« Les heures importantes sont les heures immobiles. Ces fractions de temps arrêtées, minutes quasi mortes sont ce que tu as de plus vrai, ce que tu es de plus vrai, ne les possédant pas, n'étant pas par elles possédé, sans attributs, et que tu ne pourrais « rendre », étendue horizontale par-dessus des puits sans fond. »
Henri Michaux, Extrait de Poteaux d'angle
lundi 17 décembre 2018
vendredi 7 décembre 2018
jeudi 6 décembre 2018
Champ du cinabre
Ce minuscule point de fuite au point de croix nord-ouest, là-haut sur le territoire, là-bas sur la carte, le vois-tu de visu; ce bout de stannate de cobalt au passé empiétant, le ciel; notre échapée où nous émigrerons loin de cette île.
Au commencement, il te faudra survoler; les inclusions d'antimoine, d'arsenic et de bitume poussant dans le champ du cinabre inférieur; toujours en te guidant de l'étoile polaire. Mon corps, ne flânes pas. Ensuite, te faufiler jusqu'au Palais Écarlate né d'un ancien volcan, ses flans de sulfure de fer, sélénium et de sulfate de calcium sonnerons le mi-chemin. Alpha Ursae Minoris se rappellera à toi. Mon coeur, ne t'y trompes pas. Finalement, tu dénicheras le Palais du Nirvana; cherches les traces de sulfate de baryum, de plomb et de zinc; à ce stade, tu comprendras que Dédale était un grand architecte. Ma tête, ne te leurres pas.
Des nuitées, il me faudra filer encore. Toi vers le Nord, il te faudra filer. Floues les lignes de force, au carrefour force un virage à gauche. Tu trouveras tout au bout du fil, tout le bleu de cæruleum qui niche dans la toile des astres, la sortie. Mon âme, libères-moi.
Personne ne peut
« Écrire. Je ne peux pas. Personne ne peut. Il faut le dire : on ne peut pas. Et on écrit.
C’est l’inconnu qu’on porte en soi : écrire, c’est ça qui est atteint. C’est ça ou rien.
On peut parler d’une maladie de l’écrit.
Il y a une folie d’écrire qui est en soi-même, une folie d’écrire furieuse mais ce n’est pas pour cela que l’on est dans la folie. Au contraire.
L’écriture c’est l’inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n’est pas même pas une réflexion, écrire, c’est une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait est en danger d’en perdre la vie.
Si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire, avant de le faire, avant d’écrire, on n’écrirait jamais. Ce ne serait pas la peine.
Écrire c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait – on ne le sait qu’après – avant, c’est la question la plus dangereuse que l’on puisse se poser. Mais c’est la plus courante aussi.
L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. »
Marguerite Duras, Extrait de Écrire
mercredi 5 décembre 2018
Pis Si Ô Moins
Baise-moé encore
Baise-moé encore pour fuire le monde
Des dominants, des dominés
Des herbivores, des carnivores
Et parlant d'herbe roules-en donc un
Roules-en donc un qu'on redevienne
Qu'on redevienne l'instant d'un spliff
Des souverains improductifs
Je ris au nez des vendeurs d'ordre
Des exploiteurs endimanchés
Distributeurs de cochonneries
Et de bonheurs préfabriqués
Allez vous en au paradis
Bande de téteux pis lachez-moé
Ch'tanné d'entendre toutes vos conneries
Vos saloperies pis vos menteries
Pis d'voir vos yeux ambitionneux
Crier youppie! J'ai réussi!
Ostie
Pis si ô moins
Y'en avait moins
Y'en avait moins de pauvres crétins
En train de s'faire faire un blow job
Au p'tit bureau qui s'trouve en haut
D'la pyramide des affranchis
J'en f'rais des p'tits tout plein cent mille
Merci la vie ben oui, ben oui
Ça s'rait super j'pourrais aller faire
Du kid kodak dedans la belle
Dedans la belle télévision
J'aurais l'air d'un roman savon
Toutes les matantes s'raient toutes contentes
J'dirais ça c'est ma p'tite famille
Ça s'rait parfait pour mon image
« Ah! Qu'c'est don' cute », dirait la fille
À travers de son maquillage
Je ris au nez des vendeurs d'ordre
Des exploiteurs endimanchés
Distributeurs de cochonneries
Et de bonheurs préfabriqués
Allez vous en au paradis
Bande de téteux pis lachez-moé
Ch'tanné d'entendre toutes vos conneries
Vos saloperies pis vos menteries
Pis d'voir vos yeux ambitionneux
Crier youppie! J'ai réussi!
Ostie
Pis si ô moins
Y'en avait moins
Y'en avait moins de pauvres crétins
Prêts à mourir pour la patrie
Kalishnikov & compagnie
Pour faire rouler l'économie
Pis si ô moins
Y'en avait moins
Y'en avait moins de pauvres crétins
Prêts à mourir pour la patrie
Kalishnikov & compagnie
Pour faire rouler l'économie
Pour faire rouler l'économie
Pour faire rouler l'économie
Adorateur du Dieu profit
Pour faire rouler l'économie
Pour faire rouler l'économie
Pour faire rouler l'économie
Rrrrouler!
Pour faire rouler!
Pour faire rouler!
Bonjour c'est moi l'caméraman, êtes-vous victime de quelque chose?
Ta yeule toé!
Sacrament madame! Pour faire rouler l'économie
Sacrament madame! Pour faire rouler l'économie
Paroles: André Fortin
Musique: André Fortin, Mike Sawatzky
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