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dimanche 30 juin 2024

Pelehonuamea

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Les quatre vents de la terre

Observe ceux qui tremblent par touches, immobiles devant les quatre vents de la terre, devant la totalité de l'espace conçu. Tout est ouvert et pourtant aucun souffle n'abîme le lieu. La terre est retournée, mais les semeurs sommeillent avec l'ivraie. De tes lieux inatteignables, le regard en plongé, écrasant les perspectives, vois-tu comme les mouvements fixes se font attendre? Il aura fallu ton passage sur terre pour faire bouger les choses avec ta faim ogre déracinant l'ancien et tes audaces ensemençant le nouveau à mesure d'appétences. Tes élans sont des madrigaux primitifs pour dieux jaloux. Avec bienveillance pour les regardeurs, demande au terrible Borée de blanchir notre décor, au pluvieux Notos de l'inonder, de ma part supplie Euros de tout balayer afin que la douceur de Zéphir berce notre point de vue. Sous le chant des huards, souhaite que notre monde retrouve le balancement indigène des iris, le fil de son histoire, de ses mythes, pour enfin qu'adviennent les aubes opalescentes.

samedi 29 juin 2024

Les étoiles

Les étoiles, les étoiles, les étoiles
Dites-moi étoile, pourquoi je vous regarde?
Les étoiles, les étoiles, les étoiles
Dites-moi, étoile qui vous regardera?

Les étoiles, les étoiles
Si seulement je savais
Dites moi étoile de qui obtenez-vous la lumière
Les étoiles, les étoiles
Vous qui êtes belle dans les cieux
Dites-moi étoile, qui vous donnera l'amour?

The stars the stars shining up above
Tell me stars who will give you love
The stars the stars lights of white and blue
Tell me stars why I look to you

Les étoiles les étoiles les étoiles
Dites-moi étoile, pourquoi je vous regarde?
Compositrice: Melody Gardot, Album My one and only thrill

vendredi 28 juin 2024

Bleu total

Le ciel est sans souci. Il est royal, d'une teinte que tu enjoliverais avec tes mots entiers. Un bleu total. Le soleil brûle déjà la cime des arbres où des oiseaux se bataillent une place dans la chorale matinale. Je n'ai aucune envie de ce dehors-là. Le désir d'écrire me tenaille et comme dirait cette chère Bérénice, « Tout m'avale ». Que restera-t-il de cette journée?

jeudi 27 juin 2024

Il y a des jours, il y a des moments

« Pourquoi la voix n'aurait-elle pas besoin de fraîcheur, comme le nageur la demande à l'eau ou le marcheur au sous-bois? Il y a des jours, il y a des moments où ton envie c'est de prononcer MIDI, CLAIRIÈRE, AILE, CIEL par fringale de lumière, par nécessité de produire un pays vocal dont le soleil serait le fournisseur. Ce pays, un poème peut le procurer. Un récit, voyage en tête, te le raconte aussi bien, pourvu qu'il se lance sur les traces du jour. Que l'un ou l'autre fasse défaut, tu te contentes d'un vocable, pense à RIVIÈRE, et voilà qu'un flux lumineux te passe par la bouche, chose et parole mêlées, jusqu'à t'envahir d'une image fidèle, claire et puissante à la disposition du promeneur immobile que tu es, les yeux fermés sur l'insaisissable... »

Ludovic Janvier, Extrait de Apparitions: Brèves

Parole d'eau

« Voyageurs du sens et de la soif, tournez-vous sans effort, la fuite est à deux pas, l'horizon sous les yeux, perdre de vue devient possible à bout portant ! Il suffit d'offrir sa figure et son silence à la rivière passant par là. C'est un instant moelleux, la masse d'eau fait une agitation de soie. C'est même un instant musical. Et la fraîcheur est là comme excipient, une caresse au visage entier qui peut bien faire le malin comme s'il pensait, il est déjà baigné par l'absence, de tout son frais l'horizon lui passe sur la peau, perte de vue c'est peu dire, elle est devenue eau, la vue, devenue vide, faite froid, elle passe fraîcheur sur toute la pensée calmée comme une soif.

Autrement dit et plus modestement, chaque fois que vous nommez une rivière en France, ou presque, c'est comme si l'eau même dégorgeait un peu de son allure, un peu de sa fraîcheur, un peu de sa lumière dans la voix. C'est ça, le français parle un pays d'eau douce. Cette parole d'eau, je lui offre son livre. Les rivières que vous aimez, presque toutes y sont des passagères. »
Ludovic Janvier, Extrait de Des rivières plein la voix

mercredi 26 juin 2024

La vie simple

La vie simple

Ce qui est vivant

« À la question toujours encombrante: qu'est-ce que tu écris en ce moment, je réponds que j'écris sur des fleurs, et qu'un autre jour je choisirai un sujet encore plus mince, plus humble si possible. Une tasse de café noir. Les aventures d'une feuille de cerisier. Mais pour l'heure, j'ai déjà beaucoup à voir: neuf tulipes pouffant de rire dans un vase transparent. Je regarde leur tremblement sous les ailes du temps qui passe. Elles ont une manière rayonnante d'être sans défense, et j'écris cette phrase sous leur dictée: «Ce qui fait événement, c'est ce qui est vivant, et ce qui est vivant, c'est ce qui ne se protège pas de sa perte.» »

Christian Bobin, Extrait de Autoportrait au radiateur

Pyramide olfactive

Je suis née dans le silence, dans une maison aux mots évidés face au langage du corps. Je n’ai pas signé de grands concepts avec les sourds, mais d'émotions qui fourmillent sur la peau. Des idées à peine saisissables. Vu ma caboche, je trouvais qu'il manquait de sens, mais en vieillissant, je comprends qu'il n'y avait que l'essence. L'extrait d'un parfum sans note de tête, ni note de fond et bien pendant un certain temps, ça écœure.

vendredi 21 juin 2024

Sunset

Could be honeycomb
In a sea of honey
A sky of honey
Whose shadow, long and low
Is slipping out of wet clothes?
And changes into
The most beautiful
Iridescent blue

Who knows who wrote that song of Summer
That blackbirds sing at dusk
This is a song of color
Where sands sing in crimson, red and rust
Then climb into bed and turn to dust

Every sleepy light
Must say goodbye
To day before it dies
In a sea of honey
A sky of honey
Keep us close to your heart
So if the skies turn dark
We may live on in
Comets and stars

Who knows who wrote that song of Summer
That blackbirds sing at dusk
This is a song of color
Where sands sing in crimson, red and rust
Then climb into bed and turn to dust
Who knows who wrote that song of Summer
That blackbirds sing at dusk
This is a song of color
Where sands sing in crimson, red and rust
Then climb into bed and turn to dust

Oh sing of summer and a sunset
And sing for us, so that we may remember
The day writes the words right across the sky
They all go all the way up to the top of the night

Compositrice: Kate Bush, Album Aerial

lundi 17 juin 2024

Vue d'ensemble

« Les enfants ne regardent pas les maisons, mais ils les connaissent, les recoins, mieux que la mère, ils fouillent les enfants. Ils cherchent. (...) C'est quand ils quittent la maison qu'ils la regardent. »

Marguerite Duras, Extrait de La Vie matérielle

samedi 15 juin 2024

Au nord-est de l'Amérique

Au nord-est de l'Amérique

Faire

« Faire sans cesse l’effort de penser à qui est devant toi, lui porter une attention réelle, soutenue, ne pas oublier une seconde que celui ou celle avec qui tu parles vient d’ailleurs, que ses goûts, ses pensées et ses gestes ont été façonnés par une longue histoire, peuplée de beaucoup de choses et de personnes que tu ne connaîtras jamais. Te rappeler sans cesse que celui ou celle que tu regardes ne te doit rien. Cet exercice te conduit à la plus grande jouissance qui soit : aimer celui ou celle qui est devant toi, l’aimer d’être ce qu’il ou elle est : une énigme, et non pas d’être ce que tu crois, ce que tu crains, ce que tu espères, ce que tu attends, ce que tu cherches, ce que tu veux. »
Christian Bobin, Extrait de Autoportrait au radiateur

jeudi 13 juin 2024

Noir-noir et Clair-clair

« On ne peut ressentir la douceur de cette vie sans en même temps concevoir une colère absolue contre le mal qui la serre de toutes parts. C'est une règle à laquelle obéissent les peintres quand ils renforcent leurs noirs, afin que leurs clairs soient vraiment clairs. »
Christian Bobin, Extrait de L'inespérée

Très peu

« Très peu est pour moi le nom de l’abondance. J’ai au cœur une bête sauvage qui ne sort que la nuit et pour quelques secondes. Elle s’empare des restes abandonnés par le jour – feuille, visage, parole – et elle regagne précipitamment son trou, ayant trouvé de quoi manger pour deux siècles. Ce n’est jamais la même chose dont elle se nourrit – ici un voyage, là une lecture, ailleurs un silence – mais c’est toujours la même joie qui est cherchée et parfois atteinte, une joie enfantine et légère comme une tache de soleil. »

Christian Bobin, Extrait de L'inespérée

mercredi 12 juin 2024

La voix

« Ce n'est pas l'encre qui fait l'écriture, c'est la voix, la vérité solitaire de la voix, l'hémorragie de vérité au ventre de la voix. »
Christian Bobin, Extrait de L'inespérée

vendredi 7 juin 2024

Ce qui nous regarde

« Ne montre pas ce que tu vois, tu ne vois rien ; peins ce qui nous regarde. »

Valère Novarina, Extrait de Pendant la matière

mercredi 5 juin 2024

Signe distinctif

Au moment de sa disparition
Elle portait
Des souliers de toile
Jupe blanche et t-shirt noir

Au moment de sa disparition
Elle portait
Un collier d'étoiles
Et son cœur en robe du soir

Au moment de sa disparition
Il portait des bottes de travail
De la sueur sous son chandail

Au moment de sa disparition
Il portait la vie sur son dos
Et sur son cœur, un gros piano

Au moment de sa disparition
Elle portait
Un enfant vivant
Une robe couleur de sang

Au moment de sa disparition
Elle portait la terre à bout d'bras
Et son cœur dansait
Dansait, dansait
Dans ses pas

Au moment de leur disparition
Ils portaient
Un drap d'hôpital
Des culottes courtes
Un bel uniforme
Un sac de linge sale
Un paquet d'tabac
Un numéro nul
Une poupée sans bras

Et rien dans les mains
La laisse d'un chien

Compositeurs: Richard Desjardins, Michel Côté, Album Tu m'aimes-tu

dimanche 2 juin 2024

L'absolu négatif

« Je suis l’absolu négatif, l’incarnation du néant. Celui que l’on désire sans jamais pouvoir l’obtenir, celui dont on rêve parce qu’il ne peut exister […] Ce qui aurait pu être, ce qui aurait dû exister, ce que la loi ou le Destin n’ont pas donné, je l’ai jeté dans l’âme de l’Homme et elle s’est troublée de sentir la vie vivante de ce qui n’existe pas. »

Fernando Pessoa, Extrait de L’Heure du diable

Prendre plaisir

Je prends plaisir aux champs sans les observer.
Tu me demandes pourquoi j'y prends plaisir.
Parce que j'y prends plaisir, c'est ma réponse.
Prendre plaisir à une fleur c'est se trouver près d'elle inconsciemment et avoir une notion de son parfum dans nos idées les plus confuses.
Quand j'observe, je ne prends pas plaisir : je vois.
Je ferme les yeux, et mon corps, qui se trouve parmi l'herbe, appartient entièrement à l'extérieur de celui qui ferme les yeux — à la fraîcheur dure de la terre odorante et irrégulière; et quelques chose des bruits indistincts des choses vivantes, et seule une ombre vermeille de lumière appuie légèrement sur mes orbites, et seul un restant de vie entend.

Fernando Pessoa, Extrait de Poésies d'Alvaro de Campos avec le Gardeur de troupeaux et les autres poèmes d'Alberto Caeiro