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vendredi 31 octobre 2014

Liberté

La liberté ne se possède pas, ne souscrit à aucune loi de l'accumulation. Elle se vit au présent

Message from Pina Bausch

mercredi 29 octobre 2014

Le silence

Le Silence est notre véritable nature.

Ce que nous sommes fondamentalement n’est que Silence, libre d’un commencement et d’une fin.

Il fut avant le commencement de toute chose.

Sans cause, sa grandeur est son existence même.

Silence, origine de tout objet, lumière qui donne aux objets aspect et forme.

Tout mouvement, toute activité est harmonisée par le Silence. Silence sans opposition au bruit, au-delà du positif et du négatif. Dissolution de toute objet, sans relation avec aucune expression mentale, silence libre à jamais du mental. Jamais défini, mais ressenti car plus proche que le plus proche. Le Silence est liberté sans restriction ni centre; il est notre totalité, ni à l’intérieur ni à l’extérieur du corps.

Le Silence est joie, non plaisir; il n’est pas psychologique, senti sans quelqu’un qui sent, sans intermédiaire. Sacré, Grâce salutaire, sans peur. Toute autonomie comme l’Amour et la Beauté, intouchable par le temps. Méditation libre de toute intention, libre d’un méditant. Absence de soi, Silence, Absence de l’Absence.

Le son qui vient du Silence est Musique.
Toute activité est créative lorsqu’elle vient du Silence.
Il est constamment un nouveau commencement.
Le Silence précède la parole et la poésie, la musique et tout art.
Le Silence est l’origine de toute activité créatrice.
Ce qui crée vraiment dans le monde, c’est la vérité.
Le Silence est le monde. Le Silence est Vérité.

Celui qui est établi dans le Silence vit dans une offrande constante, une prière sans demande, remerciement, amour permanent.

Jean Klein, La Joie sans objet

samedi 25 octobre 2014

Contre la bêtise

La bêtise est la partie de nous-même qui, regardant l’autre comme un miroir - concave ou convexe -, traverse le monde en y cherchant son pareil, son alter ego, son frère, son ombre ou son reflet. La bêtise, c’est la réduction du monde au « Moi », de l’autre au même, de la différence à l’identité. Telle la pensée unique, la bêtise choisit de reconnaître, plutôt que de rencontrer. Elle est le contraire de l’exception, l’amie de l’ordinaire, l’antithèse du singulier, l’ennemie de la différence… Comme dit Desproges : « l’ennemi est con. Il croit que c’est nous, l’ennemi, alors qu’en fait, c’est lui ! »

La bêtise vous noie dans un groupe où plus rien ne vous distingue et où c’est le courant qui vous porte. Elle surfe sur la vague, elle se répand sur les ondes, elle est affable, accueillante, hospitalière. À la bêtise, tout le monde se retrouve : c’est le lieu commun.

On la reconnaît chez les donneurs de leçons dont la conduite contredit les paroles, chez les imprécateurs athées qui croient que Dieu c’est le Diable, ou encore chez les hédonistes fervents qui jouissent non pas pour être heureux, mais pour oublier qu’ils ne le sont pas… Mais on la reconnaît aussi chez ceux qui croient la reconnaître et se donnent le beau rôle, à la façon dont l’hypocondriaque fait graver sur sa tombe « je vous l’avais bien dit. »

Bref, la bêtise a toujours le dernier mot. La bêtise a toujours raison.

Gilles Deleuz, Extraits de Différence et Répétition

Règles transitoires


Qu’est-ce que l’acte de création ?

Eh bien, je me dis, vous voyez bien, avoir une idée, ce n’est pas de l’ordre de la communication, en tout cas. Et c’est à ca que je voudrais en venir, parce que cela fait partie des questions qui m’ont été très gentiment posées. Je veux dire à quel point tout ce dont on parle est irréductible à toute communication. Ce n’est pas grave. Ca veut dire quoi ? Cela veut dire, il me semble que, en un premier sens, on pourrait dire que la communication, c’est la transmission et la propagation d’une information. Or une information, c’est quoi ? C’est pas très compliqué, tout le monde le sait : une information, c’est un ensemble de mots d’ordre. Quand on vous informe, on vous dit ce que vous êtes sensés devoir croire. En d’autres termes : informer c’est faire circuler un mot d’ordre. Les déclarations de police sont dites, à juste titre, des communiqués ; on nous communique de l’information, c’est à dire, on nous dit ce que nous sommes censés être en état ou devoir croire, ce que nous sommes tenus de croire. Ou même pas de croire, mais de faire comme si l’on croyait, on ne nous demande pas de croire, on nous demande de nous comporter comme si nous le croyions. C’est ça l’information, la communication, et, indépendamment de ces mots d’ordre, et de la transmission de ces mots d’ordre, il n’y a pas de communication, il n’y a pas d’information. Ce qui revient à dire : que l’information, c’est exactement le système du contrôle.

Et c’est vrai, je dis des platitudes, c’est évident. C’est évident, sauf que ça nous concerne particulièrement aujourd’hui. Ca nous concerne aujourd’hui parce que , et c’est vrai que nous entrons dans une société que l’on peut appeler une société de contrôle. Vous savez, un penseur comme Michel Foucault avait analysé deux types de sociétés assez rapprochées de nous. Hein, les unes qu’il appelait des sociétés de souverainetés, et puis les autres qu’il appelait des sociétés disciplinaires. Et ce qu’il appelait, lui des sociétés disciplinaires, qu’il faisait partir maintenant - parce qu’il y a toutes les transitions que vous voulez - avec Napoléon, c’était le passage typique d’une société de souveraineté à une société disciplinaire, heu…, la société disciplinaire, elle se définissait - c’est célèbre, les analyses de Foucault sont restées à juste titre célèbres - elle se définissait par la constitution de milieux d’enfermement : prisons, écoles, ateliers, hôpital. Et les sociétés disciplinaires avaient besoin de ça. Mais ça a un peu engendré des ambiguïtés chez certains lecteurs de Foucault, parce que l’on a cru que c’était la dernière pensée de Foucault. Evidemment non.

Foucault n’a jamais cru, et même, il l’a dit très clairement, que ces sociétés disciplinaires n’étaient pas éternelles. Et bien plus, il pensait évidemment que nous entrions, nous dans un type de société nouveau. Bien sûr, il y a toutes sortes de restes de sociétés disciplinaires, et pour des années et des années. Mais nous savons déjà que nous sommes dans des sociétés d’un autre type , qui sont, qu’il faudrait appeler, c’est Burroughs qui prononçait le mot, et heu…, Foucault avait une très vive admiration pour Burroughs, heu… Burroughs proposait le nom de, le nom très simple de contrôle. Nous entrons dans des sociétés de contrôle qui se définissent très différemment des disciplines, nous n’avons plus besoin, ou plutôt ceux qui veillent à notre bien n’ont plus besoin ou n’auront plus besoin de milieu d’enfermement. Vous me direz, ce n’est pas évident actuellement avec tout ce qui se passe actuellement, mais ce n’est pas du tout la question. Il s’agit de peut-être pour dans cinquante ans, mais actuellement, déjà tout ça, les prisons, les écoles, les hôpitaux sont des lieux de discussions permanents. Est-ce qu’il vaut pas mieux , heu…, répandre les soins à domiciles ? Oui, c’est sans doute l’avenir, les ateliers, les usines, ben, ça craque par tous les bouts. Est-ce qu’il vaut pas mieux, heu, les régimes de sous-traitance et même le travail à domicile ? heu… bon, les prisons, c’est une question. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Qu’est-ce qu’on peut trouver ? Est-ce qu’il n’y a pas d’autres moyens de punir les gens que la prison ? C’est des vieux problèmes qui renaissent. Parce que, vous savez, les sociétés de contrôle ne passeront évidemment plus par des milieux d’enfermement. Même l’école, même l’école il faut bien surveiller actuellement les thèmes qui naissent, ça se développera que dans quarante ou cinquante ans, pour vous expliquer que l’épatant se serait faire en même temps l’école et la profession. Ah…, ça sera très intéressant parce que l’identité de l’école et de la profession dans la formation permanente, qui est notre avenir, ça n’impliquera plus forcément le regroupement d’écoliers dans un milieu d’enfermement. Heu…, ha…, ça pourra se faire tout à fait autrement, cela se fera par Minitel, enfin tout ça heu… tout ce que vous voudrez, l’épatant ce serait les formes de contrôle. Voyez en quoi un contrôle ce n’est pas une discipline. Je dirai, par exemple, d’un autoroute, que là vous n’enfermez pas les gens, mais en faisant des autoroutes, vous multipliez des moyens de contrôle. Je ne dis pas que cela soit ça le but unique de l’autoroute {rires}, mais des gens peuvent tourner à l’infini et sans être du tout enfermés, tout en étant parfaitement contrôlés. C’est ça notre avenir. Les sociétés de contrôle étant des sociétés de disciplines. Alors, pourquoi je raconte tout ça ? Bon, ben… parce que l’information, mettons que cela soit ça, l’information, bon, c’est le système contrôlé des mots d’ordre, des mots d’ordre qui ont court dans une société donnée.

Qu’est-ce que l’art peut avoir à faire avec ça ? qu’est-ce que l’œuvre d’art … vous me direz : “allez, tout ça, ça ne veut rien dire“. Alors ne parlons pas d’œuvre d’art, parlons, disons au moins que, qu’il y a de la contre-information. Par exemple, il y a des pays, où dans des condition particulièrement dures et cruelles, les pays de très dures dictatures, où il y a de la contre-information. Heu ! du temps d’Hitler, les juifs qui arrivaient d’Allemagne et qui étaient les premiers à nous apprendre qu’il y avait des camps d’extermination en Allemagne, ils faisaient de la contre-information. Ce qu’il faut constater, c’est que, il me semble, jamais la contre-information n’a suffit à faire quoi que ce soit. Aucune contre information n’a jamais gêné Hitler. Heu ! non, sauf dans un cas. Mais quel est le cas ? C’est là que c’est important. Ma seule réponse ce serait : la contre-information devient effectivement efficace que quand elle est, et elle l’est de par nature, donc, heu, c’est pas grave, que quand elle est ou devient acte de résistance. Et l’acte de résistance est lui ni information ni contre-information. La contre-information n’est effective que quand elle devient un acte de résistance.

Gilles Deleuze, Extrait de la conférence Qu’est-ce que l’acte de création ?

L'honnête homme


mercredi 22 octobre 2014

Fait pictural

« L’acte de la peinture, le « fait pictural », c’est lorsque la forme est mise en rapport avec une force. Or les forces, c’est pas visible. Peindre des forces, en effet, c’est ça, le « fait ». »

Gilles Deleuze

Horse Heart

mardi 21 octobre 2014

Consius

 Parce que si j’essaie de définir les états du troisième genre, ben, c’est quoi ? Il y a une certitude. C’est un mode de certitude très particulier que Spinoza exprime d’ailleurs sous le terme un peu insolite de "consius". Conscience, c’est une conscience. C’est une espèce de conscience, mais qui s’est élevée à une puissance. Je dirais presque c’est la dernière puissance de la conscience. Et qu’est ce que c’est ? Comment définir cette conscience ? C’est... je dirais c’est la conscience interne d’autre chose. À savoir c’est une "conscience de soi", mais cette conscience de soi en tant que telle, appréhende une puissance. Alors, cette conscience de soi qui s’est élevée, qui est devenue conscience de puissance, cela fait que ce que cette conscience saisit, elle le saisit à l’intérieur de soi. Et pourtant ce qu’elle saisit ainsi à l’intérieur de soi, c’est une puissance extérieure. Or c’est bien comme ça que Spinoza essaie de définir le troisième genre. Finalement, vous atteignez au troisième genre, ce genre presque mystique, cette intuition du troisième genre, pratiquement on pourrait dire à quoi la reconnaître. C’est vraiment lorsque vous affrontez une puissance extérieure - il faut maintenir les deux - et que cette puissance extérieure c’est en vous que vous l’affrontez. Vous la saisissez en vous.

C’est pour ça que Spinoza dit, finalement, le troisième genre c’est lorsque : "être conscient de soi-même, être conscient de Dieu, et être conscient du monde, ne font plus qu’un". Je crois que c’est important, là, il faut le prendre à la lettre, les formules de Spinoza. Dans le troisième genre de connaissance, "je suis indissolublement conscient de moi-même, des autres ou du monde, et de Dieu". Alors, ça veut bien dire, si vous voulez, c’est cette espèce de conscience de soi qui est en même temps conscience de la puissance ; conscience de la puissance qui est en même temps conscience de soi.

Alors enfin, je dirais oui... pourquoi est ce que l’on est à la fois sûr et pourtant très vulnérable ? Bien, on est très vulnérable parce qu’il s’en faut d’un point minuscule que cette puissance ne nous emporte. Elle nous déborde tellement que, à ce moment-là, tout se passe comme si on était abattu par l’énormité de cette puissance. Et en même temps, on est sûr. On est sûr parce que précisément l’objet de cette conscience si extérieur qu’il soit en tant que puissance, c’est en moi que je le saisis. Si bien que, Spinoza insiste énormément sur le point suivant, le bonheur du troisième genre auquel il réserve le nom de béatitude, cette béatitude, ben... c’est finalement un étrange bonheur. C’est-à-dire que c’est un bonheur qui ne dépend que de moi. Est-ce qu’il y a des bonheurs qui ne dépendent que de moi ? Spinoza dirait : c’est une fausse question de se demander est ce qu’il y en a. Puisque c’est vraiment le produit d’une conquête.

Gilles Deleuze, Extrait de La peinture et la question des concepts 

mardi 14 octobre 2014

L’œil écoute

Si j’essaye de définir, de fixer par l’écriture l’impression qu’après de trop courts contacts me laisse ce pays, ce n’est pas à la mémoire visuelle que j’éprouve aussitôt le besoin de recourir. L’œil en Hollande ne trouve pas autour de lui un de ces cadres tout faits à l’intérieur de quoi chacun organise son souvenir et sa rêverie. La nature ne lui a pas fourni un horizon précis, mais seulement cette soudure incertaine entre un ciel toujours changeant et une terre qui, par tous les jeux de la nuance, va à la rencontre du vide. Ici notre mère Nature n’a pas pris soin de déclarer, d’afficher pompeusement ses intentions, au moyen de ces formidables constructions que sont les montagnes, de les dramatiser par ces barrages, de les paraphraser par ces ressauts et ces déclivités, par ces longues lignes de remblais, sans cesse interrompues et reprises qui développent et qui épuisent la mélodie géographique. Pas de tranchées, pas de surprises, pas d’intervention violente ou même d’invitation irrésistible à la manière de la vallée Ligérienne ou Séquanaise, aucune de ces contradictions et de ces poussées que le mouvement de la terre oppose et impose à celui des eaux. Ici on est l’habitant ou l’hôte d’une nappe liquide et végétale, d’une plate-forme spacieuse où l’œil se transporte si facilement qu’il ne communique au pied aucun désir. Tout a été égalisé, toute cette étendue de terre facile, prête à se délayer en couleur et en laitage, a été livrée à l’homme pour en faire son pâturage et son jardin. C’est lui-même avec ses villages et ses clochers, avec ces gros bouquets par-ci par-là que sont les arbres, qui s’est chargé d’aménager l’horizon. Ce sont ces canaux rectilignes dont les deux rives là-bas se rejoignent en pointe de V qui nous indiquent la distance, ce sont les animaux dans l’immense verdure étale, troupeau d’abord distinct, puis éparpillement à l’infini de points clairs, c’est cette flaque ensoleillée de colzas, c’est la palette multicolore des champs de jacinthes et de tulipes, qui nous fournissent nos repères. Et cependant à aucun moment, au centre de ce cadran de vert émail, on n’a la sensation de l’immobilité. Ce n’est pas seulement la variation infinie des ombres et des lumières à travers le progrès et le déclin de la journée au milieu d’un immense ciel où il ne cesse de se passer ou de se méditer quelque chose. Ce n’est pas seulement ce souffle continuel, puissant comme une tempête, humide et léger comme une respiration humaine, comme la chaleur sur notre joue de quelqu’un tout près de nous qui va parler, ce souffle gaiement interprété à perte de vue par les moulins à vent qui traient l’eau et qui dévident le brouillard, ce n’est pas lui seulement entre ses reprises qui infond en nous ce sentiment du temps, la conscience de cette allure métaphysique, de cette communication générale, de ce cours infiniment subtil et divers des choses qui existent ensemble autour de nous. Nous prenons acte de cette espèce de travail paisible et unanime, ou dirai-je plutôt de pesée et comme de lente compulsion, à quoi la complaisance d’une âme soulagée, desserrée, dilatée, cesse bientôt d’être étrangère.

La pensée tout naturellement, libre d’un objet qui s’impose brutalement à son regard, s’élargit en contemplation. On ne s’étonne pas que ce soit ici le pays où Spinoza ait conçu son poème géométrique.

Paul Claudel, extrait de L’œil écoute

Deleuze: Sur la peinture, séance 2

Différence et répétition

La mort n’a rien à voir avec un modèle matériel. Il suffit de comprendre au contraire l’instinct de mort dans son rapport spirituel avec les masques et les travestis. La répétition est vraiment ce qui se déguise en se constituant, ce qui ne se constitue qu’en se déguisant. Elle n’est pas sous les masques, mais se forme d’un masque à l’autre, comme d’un point remarquable à un autre, d’un instant privilégié à un autre, avec et dans les variantes. Les masques ne recouvrent rien, sauf d’autres masques. Il n’y a pas de premier terme qui soit répété ; et même notre amour d’enfant pour la mère répète d’autres amours d’adultes à l’égard d’autres femmes, un peu comme le héros de la Recherche rejoue avec sa mère la passion de Swann pour Odette. Il n’y a donc rien de répété qui puisse être isolé ou abstrait de la répétition dans laquelle il se forme, mais aussi dans laquelle il se cache. Il n’y a pas de répétition nue qui puisse être abstraite ou inférée de déguisement lui-même. La même chose est déguisante et déguisée. Un moment décisif de la psychanalyse fut celui où Freud renonça sur certains points à l’hypothèse d’événements réels de l’enfance, qui seraient comme des termes ultimes déguisés, pour y substituer la puissance du fantasme qui plonge dans l’instinct de mort, où tout est déjà masque et encore déguisement. Bref, la répétition est symbolique dans son essence, le symbole, le simulacre, est la lettre de la répétition même. Par le déguisement et l’ordre du symbole, la différence est comprise dans la répétition. C’est pourquoi les variantes ne viennent pas du dehors, n’expriment pas un compromis secondaire entre une instance refoulante et une instance refoulée, et ne doivent pas se comprendre à partir des formes encore négatives de l’opposition, du retournement ou du renversement. Les variantes expriment plutôt des mécanismes différentiels qui sont de l’essence et de la genèse de ce qui se répète. Il faudrait même renverser les rapports du «nu» et du «vêtu» dans la répétition. Soit une répétition nue (comme répétition du Même), par exemple un cérémonial obsessionnel,ou une stéréotypie schizophrénique : ce qu’il y a de mécanique dans la répétition, l’élément d’action apparemment répété, sert de couverture pour une répétition plus profonde, qui se joue dans une autre dimension, verticalité secrète où les rôles et les masques s’alimentent à l’instinct de mort. Théâtre de terreur, disait Binswanger à propos de la schizophrénie. Et le «jamais vu» n’y est pas le contraire du «déjà vu», tous deux signifient la même chose et sont vécus l’un dans l’autre. La Sylvie de Nerval nous introduisait déjà dans ce théâtre, et la Gradiva, si proche d’une inspiration nervalienne, nous montre le héros qui vit à la fois la répétition comme telle, et ce qui se répète comme toujours déguisé dans la répétition. Dans l’analyse de l’obsession, l’apparition du thème de la mort coïncide avec le moment où l’obsédé dispose de tous le personnages de son drame, et les réunit dans une répétition dont le «cérémonial» est seulement l’enveloppe extérieure. Partout c’est le masque, c’est le travesti, c’est le vêtu, la vérité du nu. C’est le masque, le véritable sujet de la répétition. C’est que le répété ne peut être représenté, mais doit toujours être signifié, masqué par ce qui le signifie, masquant lui-même ce qu’il signifie.

Gilles Deleuze, Extrait de l'introduction sur le masque de la répétition

jeudi 9 octobre 2014

Attitude

Dans la guerre de Troie, autant de dieux d'un côté que de l'autre. C'était là une vue juste et élégante dont les modernes, trop passionnés ou trop vulgaires, sont incapables, eux qui veulent que la raison soit à tout prix partisane. Homère, aux commencements de notre civilisation, s'offrait le luxe de l'objectivité; aux antipodes, à une époque tardive comme la nôtre, il n'y a plus de place que pour l'attitude.
E.M. Cioran, Pensées étranglées

mardi 7 octobre 2014

Contemporary art

Empreintures...: Alain Badiou & Judith Balso. Contemporary art: con...: Source: http://didier-moulinier.tumblr.com/post/99039370337/alain-badiou-judith-balso-contemporary-art