Rechercher sur ce blogue

samedi 25 octobre 2014

Contre la bêtise

La bêtise est la partie de nous-même qui, regardant l’autre comme un miroir - concave ou convexe -, traverse le monde en y cherchant son pareil, son alter ego, son frère, son ombre ou son reflet. La bêtise, c’est la réduction du monde au « Moi », de l’autre au même, de la différence à l’identité. Telle la pensée unique, la bêtise choisit de reconnaître, plutôt que de rencontrer. Elle est le contraire de l’exception, l’amie de l’ordinaire, l’antithèse du singulier, l’ennemie de la différence… Comme dit Desproges : « l’ennemi est con. Il croit que c’est nous, l’ennemi, alors qu’en fait, c’est lui ! »

La bêtise vous noie dans un groupe où plus rien ne vous distingue et où c’est le courant qui vous porte. Elle surfe sur la vague, elle se répand sur les ondes, elle est affable, accueillante, hospitalière. À la bêtise, tout le monde se retrouve : c’est le lieu commun.

On la reconnaît chez les donneurs de leçons dont la conduite contredit les paroles, chez les imprécateurs athées qui croient que Dieu c’est le Diable, ou encore chez les hédonistes fervents qui jouissent non pas pour être heureux, mais pour oublier qu’ils ne le sont pas… Mais on la reconnaît aussi chez ceux qui croient la reconnaître et se donnent le beau rôle, à la façon dont l’hypocondriaque fait graver sur sa tombe « je vous l’avais bien dit. »

Bref, la bêtise a toujours le dernier mot. La bêtise a toujours raison.

Gilles Deleuz, Extraits de Différence et Répétition

2 commentaires:

  1. "Plus qu'ils sont bêtes, plus qu'ils sont contents." (Deleuze)... la bêtise on y échappe pas, on a toujours le nez dedans, elle est contagieuse et sournoise et peut surgir à tout moment...

    RépondreEffacer