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mardi 21 octobre 2014

Consius

 Parce que si j’essaie de définir les états du troisième genre, ben, c’est quoi ? Il y a une certitude. C’est un mode de certitude très particulier que Spinoza exprime d’ailleurs sous le terme un peu insolite de "consius". Conscience, c’est une conscience. C’est une espèce de conscience, mais qui s’est élevée à une puissance. Je dirais presque c’est la dernière puissance de la conscience. Et qu’est ce que c’est ? Comment définir cette conscience ? C’est... je dirais c’est la conscience interne d’autre chose. À savoir c’est une "conscience de soi", mais cette conscience de soi en tant que telle, appréhende une puissance. Alors, cette conscience de soi qui s’est élevée, qui est devenue conscience de puissance, cela fait que ce que cette conscience saisit, elle le saisit à l’intérieur de soi. Et pourtant ce qu’elle saisit ainsi à l’intérieur de soi, c’est une puissance extérieure. Or c’est bien comme ça que Spinoza essaie de définir le troisième genre. Finalement, vous atteignez au troisième genre, ce genre presque mystique, cette intuition du troisième genre, pratiquement on pourrait dire à quoi la reconnaître. C’est vraiment lorsque vous affrontez une puissance extérieure - il faut maintenir les deux - et que cette puissance extérieure c’est en vous que vous l’affrontez. Vous la saisissez en vous.

C’est pour ça que Spinoza dit, finalement, le troisième genre c’est lorsque : "être conscient de soi-même, être conscient de Dieu, et être conscient du monde, ne font plus qu’un". Je crois que c’est important, là, il faut le prendre à la lettre, les formules de Spinoza. Dans le troisième genre de connaissance, "je suis indissolublement conscient de moi-même, des autres ou du monde, et de Dieu". Alors, ça veut bien dire, si vous voulez, c’est cette espèce de conscience de soi qui est en même temps conscience de la puissance ; conscience de la puissance qui est en même temps conscience de soi.

Alors enfin, je dirais oui... pourquoi est ce que l’on est à la fois sûr et pourtant très vulnérable ? Bien, on est très vulnérable parce qu’il s’en faut d’un point minuscule que cette puissance ne nous emporte. Elle nous déborde tellement que, à ce moment-là, tout se passe comme si on était abattu par l’énormité de cette puissance. Et en même temps, on est sûr. On est sûr parce que précisément l’objet de cette conscience si extérieur qu’il soit en tant que puissance, c’est en moi que je le saisis. Si bien que, Spinoza insiste énormément sur le point suivant, le bonheur du troisième genre auquel il réserve le nom de béatitude, cette béatitude, ben... c’est finalement un étrange bonheur. C’est-à-dire que c’est un bonheur qui ne dépend que de moi. Est-ce qu’il y a des bonheurs qui ne dépendent que de moi ? Spinoza dirait : c’est une fausse question de se demander est ce qu’il y en a. Puisque c’est vraiment le produit d’une conquête.

Gilles Deleuze, Extrait de La peinture et la question des concepts 

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