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lundi 30 novembre 2015

Lundi matin


Le temps du revenir

« J’ai écrit l’histoire de l’amant de la Chine du Nord et de l’enfant : elle n’était pas encore là dans L’amant, le temps manquait autour d’eux[5]. » C’est ainsi qu’à la page liminaire de L’amant de la Chine du Nord, Marguerite Duras parle de ce livre qui, sept ans après la parution de L’amant, raconte encore une fois « l’amour entre le Chinois et l’enfant ». Pourtant ce n’est déjà plus la même histoire ou, selon l’écrivain, l’histoire n’avait même pas existé dans L’amant, parce qu’il « manquait » du « temps ». On se demande alors quel est ce « temps » qui « manquait », qui fait que l’histoire tarde à émerger et qu’elle puisse enfin (re)naître dans un autre récit, après des années. Est-ce le temps « après coup », « après » l’événement ? le temps qui a passé depuis ? c’est-à-dire le temps qui dépose, qui décante ? qui donne du recul, de la distance ? est-ce, donc, le temps de l’oubli ? le temps du revenir, du souvenir, de la mémoire ? de la remémoration ? est-ce à dire que, pour narrer, pour que cela fasse histoire, il faut que du temps soit passé ? il faut du délai, de l’attente, de la patience — de la souffrance ? que la narration est donc un acte différé ? donc toujours déjà anamnèse, recherche, reconstitution, reprise… ? est-ce, enfin, la séparation, la mort ? le temps de mourir ? puisque c’est finalement la mort qui déclenche l’écriture ? Mais tout cela revient à dire que l’écriture est travail de mémoire, que narrer / écrire ce serait faire le deuil de l’événement et tisser une mémoire : un texte-mémoire, qui est aussi texte de deuil, tissu de deuil.

Sunshine In


Contre le jour


lundi 23 novembre 2015

L’expérience du temps

Dans l’expérience de l’amour et de la mort, le Temps surgit. Car ce n’est pas moins l’expérience du temps. Quand le temps « normal » se suspend ou se bouleverse. Quand il s’accélère vertigineusement, comme lors de la première nuit d’amour, ou se ralentit infiniment, tel le silence du regard de l’amant. Et quand l’expérience du temps prend le relais de l’expérience de l’écriture : écrire, c’est aussi sentir, faire passer, durer ; c’est, dans la durée du temps, endurer, perdurer (perdre-durer / durer-toujours), en se transformant en lieu de la temporalité. C’est la saisie de l’insaisissable, la ré-expérience de l’expérience. C’est répéter mille fois ce qui se passe une fois, et continuer, par ce geste, à tracer et à effacer, sans répit.

Kairos


Le bonheur des mots

Je n’attendais plus rien quand tout est revenu, la fraîcheur des réponses, les anges du cortège, les ombres du passé, les ponts de l’avenir, surtout la joie de voir se tendre la distance. J’aurais toujours voulu aller plus loin, plus haut et plus profond et me défaire du filet qui m’emprisonnait dans ses mailles. Mais quoi, au bout de tous mes mouvements, le temps me ramenait toujours devant la même porte. Sous les feuilles de la forêt, sous les gouttières de la ville, dans les mirages du désert ou dans la campagne immobile, toujours cette porte fermée – ce portrait d’homme au masque moulé sur la mort, l’impasse de toute entreprise. C’est alors que s’est élevé le chant magique dans les méandres des allées.

Les hommes parlent. Les hommes se sont mis à parler et le bonheur s’épanouit à l’aisselle de chaque feuille, au creux de chaque main pleine de dons et d’espérance folle. Si ces hommes parlent d’amour, sur la face du ciel on doit apercevoir des mouvements de traits qui ressemblent à un sourire.

Les chaises sont tombées, tout est clair, tout est blanc — les nuits lourdes sont soulevées de souffles embaumés, balayées par d’immenses vagues de lumières.

L’avenir est plus près, plus souple, plus tentant.

Et sur le boulevard qui le lie au présent, un long, un lourd collier de cœurs ardents comme ces fruits de peur qui balisent la nuit à la cime des lampadaires.

dimanche 22 novembre 2015

Duras


Rides du temps

Plus je crie plus le vent est fort
La porte se ferme
Emporte la fourrure et les plumes
Et le papier qui vole
Je cours sur la route après les feuilles
Qui s'envolent

Le toit se soulève
Il fait chaud
Le soleil est un aimant
Qui nous soutient

À des kilomètres
J'aime le bruit que tu fais
Avec tes pieds
On m'a dit que tu cours
Mais tu n'arriveras jamais

Le vieil amateur d'art a un sourire idiot
Faussaire et cambrioleur
Animal nouveau
Tout lui fait peur
Il se dessèche dans u musée
Et participe aux expositions
Je l'ai mis dans un volume au dernier rayon

La pluie ne tombe plus
Ferme ton parapluie
Que je voie tes jambes
S'épanouir au soleil

Pierre Reverdy, Extrait de La Lucarne ovale

L'horizon baissera


vendredi 20 novembre 2015

Rythme solaire

« L’idéal de la société occidentale – « bien-être » – s’est dégradé en des choses purement matérielles, de confort et de propriété d’objet. Et bien que ce mot « bien-être » soit très beau, il fallait trouver autre chose. Et quand le président de l’Equateur Rafael Correa a trouvé cette formule de « bien-vivre », reprise ensuite par Evo Morales (le président bolivien, ndlr), elle signifiait un épanouissement humain, non seulement au sein de la société mais aussi de la nature. L’expression « bien vivir » est sans doute plus forte en espagnol qu’en français. Le terme est « actif » dans la langue de Cervantès et passif dans celle de Molière. Mais cette idée est ce qui se rapporte le mieux à la qualité de la vie, à ce que j’appelle la poésie de la vie, l’amour, l’affection, la communion et la joie et donc au qualitatif, que l’on doit opposer au primat du quantitatif et de l’accumulation. Le bien-vivre, la qualité et la poésie de la vie, y compris dans son rythme, sont des choses qui doivent – ensemble – nous guider. C’est pour l’humanité une si belle finalité. Cela implique aussi et simultanément de juguler des choses comme la spéculation internationale… Si l’on ne parvient pas à se sauver de ces pieuvres qui nous menacent et dont la force s’accentue, s’accélère, il n’y aura pas de bien-vivre. »

Quand le ciel s'ouvre


dimanche 15 novembre 2015

Il manque quelque chose

Il manque quelque chose
A l’homme
Il manque quelque chose
A la femme
Ensemble
Il leur manque quelque chose
Il manque quelque chose
Aux enfants

Et encore ensemble
Il leur manque quelque chose
Dans les endroits
Dans chaque lieu
Quelque chose leur appartient
Parfois tout l’espace
Leur appartient
Mais il manque quelque chose.

Dead End


Sous les arbres


lundi 9 novembre 2015

Vostok


Through the Devil Softly (Full Album)

Écrire avec

Il y a les auteurs qui écrivent avec de la lumière, d'autres avec du sang, avec de la lave, avec du feu, avec de la terre, avec de la boue, avec de la poudre de diamant et enfin ceux qui écrivent avec de l'encre, les malheureux, avec de l'encre tout simplement.

Pierre Reverdy, Extrait de Le Livre de mon bord

Sous-lacustre


lundi 2 novembre 2015

Traînée rouge

"... or le corps et la tête ne cessent de lier, relier ce qui est à tout ce qui a été, pourvu qu'on veuille bien suivre cette traînée rouge qui fuse du présent. Un fait n'est jamais singulier : s'il touche c'est qu'il est épais." 

Antoine Emaz, Lichen encore

55:12