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lundi 28 janvier 2019

L'immatériel

L'immatériel

Une respiration

« Ce que cherche ma parole sans cesse interrompue, sans cesse insuffisante, inadéquate, hors d'haleine, n'est pas la pertinence d'une démonstration, d'une loi, mais la dénudation d'une lueur imprenable, transfixiante, d'une fluidité tour à tour bénéfique et ravageante. Une respiration. »

Lorand Gaspar, Extrait de Sol absolu et autres textes

mercredi 23 janvier 2019

Inhabitable

« Tout le monde parle de la disparition des espèces, mais le plus extrême, c’est que nous sommes peut-être en train de vivre notre propre disparition, pas dans le sens où la planète serait inhabitable, mais dans le sens où nos esprits et nos imaginaires seraient inhabitables. »

mercredi 16 janvier 2019

Du malheur seul je me sens solidaire

Je suis entré à la place du fauve dans la cage,
ai gravé mon terme et mon surnom au clou sur le bat-flanc,
vécu au bord de l'eau, joué à la roulette,
dîné avec le diable seul sait qui, en habit.
Du sommet d'un glacier j'ai contemplé le monde,
par trois fois j'ai coulé, deux fois on m'a ouvert.
Le pays qui m'avait nourri, je l'ai lâché.
Ceux qui m'ont oublié formeraient une ville.
J'ai parcouru la steppe pleine encore de la clameur du Hun,
porté ce qui est de nouveau à la mode,
semé le seigle, couvert de tôle noire l'aire à battre,
ne me suis abstenu que d'eau sèche.
Mes rêves font sa place à l'œil noir d'acier des gardiens,
j'ai dévoré le pain d'exil avec la croûte,
permis tous les sons à ma gorge, sauf le hurlement,
en suis venu au murmure. Maintenant j'ai quarante ans.
Qu'ai je à dire de la vie? Qu'elle fut longue.
Du malheur seul je me sens solidaire.
Mais tant qu'on ne m'a pas de terre comblé la bouche,
il n'en sortira que de la gratitude.
Joseph Brodsky, Extrait de Vertumne

lundi 14 janvier 2019

Les marais baltiques

« Je suis né, j'ai grandi dans les marais baltiques, près des grises vagues de zinc qui viennent toujours par deux, de là toutes les rimes, de là cette voix sourde qui se déroule entre elles comme un cheveu mouillé, s'il se déroule. Et, calé sur coude, la conque de l'oreille entend non le ressac, mais les claquements de toile, de volets ou de mains, de l'eau qui bout sur un réchaud, le cri des mouettes, tout au plus. Et sur ces étendues, c'est bien ce qui protège le cœur du faux-semblant - nulle part où se cacher, à perte de vue. Pour le son seulement l'espace est une entrave, l'œil ne se plaint jamais de l'absence d'écho. »

Joseph Brodsky, Extrait de Vertumne

dimanche 13 janvier 2019

Arbre qui parle

« Ce livre a la forme d'un arbre à cinq branches. Ses racines sont mentales et ses feuilles sont des syllabes. La première branche s'oriente vers le temps et cherche la perfection de l'instant. La deuxième parle avec les autres arbres, ses prochains lointains. La troisième se regarde sans se voir : la mort est transparente. La quatrième est une conversation avec des images peintes, la forêt " des vivants piliers ". La cinquième se penche vers une source et apprend les mots du commencement. »

Octavio Paz, Extrait d'Octavio Paz Oeuvres

samedi 12 janvier 2019

Au seuil du paysage

Tu sais ce qui se passe au seuil du paysage
et pourquoi ce pays ne publie plus son peuple
depuis que la parole est prête pour la pierre
et qu'il ne reste rien à pétrir dans la paix
car tout a été dit sur les versants du monde
avant même que l'homme ait nommé sa nature
et ce n'est que poussière à perte de poussière
que d'exprimer son coeur sur le verbe à venir
aussi te laisses-tu porter par les présages
toi qui sais le haut lieu où l'âme est légitime
et ne voyant que l'ombre à la place du corps
te souviens-tu d'un ciel à vivre de tout temps
Juan Garcia, Extrait de Corps de gloire

vendredi 11 janvier 2019

Une sorte d'église

Vent, eau, pierre

L'eau perce la pierre,
le vent disperse l'eau,
la pierre arrête le vent.
Eau, vent, pierre.
le vent sculpte la pierre,
la pierre est coupe de l'eau,
l'eau s'échappe et elle est vent.
Pierre, vent, eau.
Le vent dans ses tours chante,
l'eau en marchant murmure,
la pierre immobile se tait.
Vent, eau , pierre.
On est autre et personne :
entre leurs noms vides
passent et s'évanouissent
eau, pierre, vent.

À Roger Caillois
Octavio Paz, Extrait d'Octavio Paz Oeuvres

jeudi 10 janvier 2019

Prêts, partez



Tous réunis sur la même ligne de départ
Les enfants main dans la main
Attendant le signal du maître
Et c'est attention les enfants
À vos marques, prêts, partez

Au loin un avion qui décolle
Chaque enfant rêve de voler
Au-dessus de la cour d'école
L'histoire continue d'avancer
Pour ceux qui les regardent tomber
À vos marques, prêts, partez

Et nous irons comme ça
Jusqu'à la fin du monde

Fin du discours, débat terminé
Le maître déclare la chasse ouverte
Les enfants armés jsuqu'aux dents
Tombent comme des grains de sable

Au milieu du désert
Et du haut des montagnes, fatigués
Les dieux détournent le regard
Du soleil qui brûle de plus en plus fort
Et des glaciers qui fondent dans le nord
À vos marques, prêts, partez

Demain, demain sûrement
Nous atteindrons la fin des temps
Sur les écrans comme si nous y étions
Nous verrons l'Occident
Disparaître sous l'océan
Non, non, non, non
À vos marques, prêts, partez

Nous irons comme ça
Jusqu'à la fin du monde

Tous réunis face au même horizon
Les enfants fatugués de tirer
Décident de lâcher les cordes
Et le maître s'écrase dans le vide

Demain, demain sûrement
Nous atteindrons le bout du monde
Servants ou servis
Esclaves hier, maîtres aujourd'hui
Oh non, non, non, non
À vos marques, prêts, partez

Et nous irons comme ça
Jusqu'à la fin du monde
On your mark, get set, go....

mercredi 9 janvier 2019

7 O`Clock News / Silent Night




This is the early evening edition of the news.
The recent fight in the House of Representatives was over the open housing section of the Civil Rights Bill.
Brought traditional enemies together but it left the defenders of the
measure without the votes of their strongest supporters.
President Johnson originally proposed an outright ban covering discrimination by everyone for every type of housing but it had no chance from the start and everyone in Congress knew it.
A compromise was painfully worked out in the House Judiciary Committee.
In Los Angeles today comedian Lenny Bruce died of what was believed to be an overdoes of narcotics.
Bruce was 42 years old.
Dr. Martin Luther King says he does not intend to cancel plans for an open housing march Sunday into the Chicago suburb of Cicero.
Cook County Sheriff Richard Ogleby asked King to call off the march and the police in Cicero said they would ask the National Guard to be called out if it is held.
King, now in Atlanta, Georgia, plans to return to Chicago Tuesday.
In Chicago Richard Speck, accused murderer of nine student nurses, was brought before a grand jury today for indictment.
The nurses were found stabbed an strangled in their Chicago apartment.
In Washington the atmosphere was tense today as a special subcommittee of the House Committee on Un-American activities continued its probe into anti-Viet nam war protests.
Demonstrators were forcibly evicted from the hearings when they began chanting anti-war slogans.
Former Vice-President Richard Nixon says that unless there is a substantial increase in the present war effort in Viet nam, the U.S. should look forward to five more years of war.
In a speech before the Convention of the Veterans of Foreign Wars in New York, Nixon also said opposition to the war in this country is the greatest single weapon working against the U.S.
That's the 7 o'clock edition of the news,

Goodnight.
Silent night
Holy night
All is calm
All is bright
Round yon virgin mother and child
Holy infant so tender and mild
Sleep in heavenly peace, sleep in heavenly peace.

Paul Simon

lundi 7 janvier 2019

Colline de l'étoile

Ici les anciens accueillaient le feu
Ici le feu créait le monde
A midi les pierres s’ouvrent comme des fruits
L’eau ouvre les paupières
La lumière coule sur la peau du jour
Goutte immense où le temps reflète et s’apaise.
Octavio Paz, Extrait de Liberté sur parole

vendredi 4 janvier 2019

Les lettres fatales

« Je commence et recommence. Mais je n’avance pas. Chaque fois qu’elle atteint les lettres fatales, la plume recule : un interdit implacable me ferme le chemin. Hier, investi des pleins pouvoirs, j’écrivais sans peine, sur la première feuille disponible : un fragment de ciel, un mur (impavide devant le soleil et mes yeux), un pré, un autre corps. Tout me servait : l’écriture du vent, celle des oiseaux, l’eau, la pierre. Adolescence, terre labourée par une idée fixe, corps tatoué d’images, cicatrices resplendissantes ! L’automne menait paître de grands fleuves, accumulait des splendeurs sur les sommets de Mexico, phrases immortelles gravées par la lumière des les roches pures de l’étonnement.

Aujourd’hui, je lutte seul avec une parole. Celle qui m’appartient, celle à laquelle j’appartiens : pile ou face, aigle ou soleil ? »

Octavio Paz, Extrait de Liberté sur parole