« Je commence et recommence. Mais je n’avance pas. Chaque fois qu’elle atteint les lettres fatales, la plume recule : un interdit implacable me ferme le chemin. Hier, investi des pleins pouvoirs, j’écrivais sans peine, sur la première feuille disponible : un fragment de ciel, un mur (impavide devant le soleil et mes yeux), un pré, un autre corps. Tout me servait : l’écriture du vent, celle des oiseaux, l’eau, la pierre. Adolescence, terre labourée par une idée fixe, corps tatoué d’images, cicatrices resplendissantes ! L’automne menait paître de grands fleuves, accumulait des splendeurs sur les sommets de Mexico, phrases immortelles gravées par la lumière des les roches pures de l’étonnement.
Aujourd’hui, je lutte seul avec une parole. Celle qui m’appartient, celle à laquelle j’appartiens : pile ou face, aigle ou soleil ? »
Octavio Paz, Extrait de Liberté sur parole
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