« Comment atteindre à cette vivacité qui exprime le rapport des couleurs et de la lumière ? Comment conquérir les tons vifs, puisque seuls les tons vifs expriment le rapport de la couleur avec la couleur. Ça va se faire par étapes. Je prends même dans la peinture française un paradigme de séquences, trois étapes, trois moments de Delacroix ; Qu’est ce qu’on voit techniquement chez Delacroix ? Voyez, puisque là c’est les problèmes techniques. On voit quelque chose de très curieux, la couleur sombre du fond subsiste souvent et longtemps, hein, elle est déjà pleinement couleur mais c’est la couleur sombre, mais chez Delacroix, on saisit sur le vif. Comment arracher à cette couleur sombre, à ces couleurs sombres, comment lui arracher les tons les plus vifs ? ça c’est le moment important. A chaque fois, c’est le colorisme qui nait, qui renait, ça pose problème et Delacroix invente un procédé qui sera repéré comme tel déjà de son vivant, soit qu’on se moque de lui, soit, au contraire les gens le suivent, ce sera le procédé dit des « hachures ». Il va hacher sa couleur sombre littéralement, il n’y a pas d’autre mot : hachures vertes, hachures rouges et c’est au niveau des hachures, que la couleur va conquérir ses rapports vifs, de tons vifs ;
Un des plus grands moments de Delacroix, « qu’on me donne un tas de pourpre et je vous en ferai sortir une couleur exquise », sortir une couleur exquise. C’est pas comme ça, c’est pas une formule littéraire, c’est pas comme ça que Delacroix formule, c’est ce qu’il fait sur la toile (...) Je dirai, grâce à Delacroix qu’est-ce qui est rendu possible ? Le déploiement des rapports, le déploiement des tons vifs et des rapports entre tons vifs, d’une certaine manière, qui n’ont plus besoin du fond sombre où la couleur sortait. »
Gilles Deleuze, Extrait de Peinture cours du 19/05/81
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