N. Lygeros
PRÉFACE
Ce travail met en avant, une théorie spéculative par nature sans vérification expérimentale. Elle est basée sur l’idée de la réversibilité de tout dans le temps ; i.e. tout type de processus a son image temporelle, un processus correspondant qui est exactement l’inverse par rapport au temps. Cela s’applique à toutes les lois physiques sauf une, nommée, seconde loi de la thermodynamique. Cette loi a été trouvée au dix-neuvième siècle et est source d’une grande difficulté. L’éminent physicien, Clerk-Maxwell, au milieu du dix-neuvième siècle, tandis qu’il donnait une preuve de cette loi, a admis que les inversions étaient possibles en imaginant un « démon triant » qui pourrait trier les plus petites particules et séparer les lentes des rapides. Cette seconde loi de la thermodynamique apporte à l’idée de niveau d’énergie, une énergie indisponible (ou « entropie » comme elle a été nommée par Clausius) qui était constamment croissante.
Dans la théorie mise en avant ici, nous supposons que les inversions de la seconde loi sont un phénomène régulier, et nous les identifions avec ce que nous appelons vie. Ceci change l’idée d’énergie indisponible en une réserve d’énergie, utilisée uniquement par la vie, et créée par des forces inanimées.
Ceci est en accord avec certaines découvertes récentes. Dernièrement le Professeur William James a découvert dans le domaine des phénomènes mentaux ce qu’il nomme « réserves d’énergie », qui dans une recherche postérieure s’avère être présente dans une mesure plus limitée dans tous les phénomènes biologiques. Il demeurait un mystère pourtant, d’où provenait cette énergie, et la théorie de réserve d’énergie mise en avant dans ce travail suggère une explication possible de ce phénomène.
En relation à l’univers comme un tout, la théorie mise en avant ici représente l’idée qui est connue en tant que changement cyclique. Cette idée est très ancienne, elle se trouve parmi les philosophes de l’école Ionienne, et est réapparue à des périodes ultérieures de temps en temps. D’un autre côté, la théorie généralement acceptée de la seconde loi de la thermodynamique représente une tendance philosophique différente, la tendance qui considère que les changements effectués sont irréparables. La philosophie d’Aristote est un bon exemple de cette tendance dans les temps anciens, mais elle est apparue plus récemment, spécialement dans la théorie de l’évolution de Spencer, qui, il est intéressant de le noter, est difficilement plus qu’une affirmation de la seconde loi de la thermodynamique en termes philosophiques.
Depuis que le manuscrit a été complété, mon attention a été attirée par une citation d’une conférence d’un grand scientifique, Lord Kelvin, dans laquelle, il est suggéré une théorie très similaire à la mienne dans ses grandes lignes ; cependant Lord Kelvin ne travaille pas sur cette théorie. Il suggère que la vie fonctionne à travers une inversion de la seconde loi de la thermodynamique, et que les organes vivants, spécialement la vie animale, actuellement joue le rôle du « démon triant » de Clerk-Maxwell. Cependant, Lord Kelvin regarde cela comme une indication d’une sorte de suspension des lois physiques ordinaires, au lieu de chercher une explication dans ces lois physiques elles-mêmes.
Pour citer les propres mots de Lord Kelvin : « Il est concevable que toute vie animale a l’attribut d’utiliser la chaleur de la matière environnante, à sa température naturelle, comme une source d’énergie pour un effet mécanique... L’influence de la vie animale ou végétale sur la matière est infiniment plus loin du champ de toute investigation scientifique actuelle. Sa capacité à diriger les mouvements de particules en mouvement dans le miracle démontré quotidiennement de notre libre arbitre humain, et dans la croissance de génération en génération de plantes à partir d’une seule graine, sont infiniment différente de tout résultat possible de la concurrence fortuite des atomes ».
Ici la suggestion est limpide que le phénomène de la vie opère comme le supposé « démon triant » de Clerk-Maxwell à travers l’inversion de la seconde loi de la thermodynamique et l’utilisation de l’énergie indisponible ou de réserve de la matière. Seulement Lord Kelvin au lieu de parvenir à cela à partir des lois physiques ordinaires, conclut immédiatement qu’une force vitale mystérieuse devait opérer. Dans ma théorie cette inversion est expliquée purement sur la base de la théorie de la probabilité.
Il est aussi à noter que la théorie que je suggère dans ce travail résout non seulement le problème biologique de la réserve d’énergie mais aussi certains paradoxes astronomiques en connexion avec la théorie de la structure de l’univers et de son évolution.
La dernière partie du travail, qui s’occupe de la théorie de la réversibilité du temps et l’aspect psychologique de la seconde loi de la thermodynamique elle-même est une section purement spéculative, appartenant plus à la métaphysique qu’à la science. Cependant, même dans cette section, il est espéré qu’il sera trouvé une base pour poser une théorie de la nature du temps sur une base scientifique et le placer finalement en dehors de la métaphysique.
À la fin du travail, nombre d’objections à ma théorie sont posées dans le but de montrer quelles objections peuvent être soulevées. Je ne tente pas de répondre à ces arguments, mais, pour la liberté du lecteur, je les pose et les laisse sans réponse, de façon à ce que le lecteur puisse décider par lui-même tous les pour ou contre à cette question, et arriver à une conclusion moins biaisée.
Au début j’ai hésité à publier cette théorie de la réversibilité de l’univers ; mais j’ai été encouragé par la découverte de la citation de Lord Kelvin mentionnée au-dessus ; aussi maintenant, en sachant que ce n’est pas la première fois qu’est suggéré le fait que la vie est une inversion de la seconde loi de la thermodynamique, j’ai décidé de publier ce travail et je donne ma théorie au monde, pour être accepté ou rejeté, selon le cas.
Traduction : L’Animé et l’Inanimé – William James Sidis
6 Janvier 1920
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