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jeudi 25 janvier 2024

Tout

« J'ai vu le cercueil d'Oum Kaltoum sur un océan de mains brunes. Ce n'est pas mourir qu'être ainsi mise en face du soleil. C'est retrouver sa famille.

Cloîtré derrière des piliers d'encre, j'appartiens au soleil. 

Donne-moi ton cœur. Donne-le-moi tout. C'est que les choses me disaient dès l'enfance. L'hortensia au coup de sang bleu. Les roses crachant leur ciel contre un mur vérolé. Les livres qui achevaient mes mains et leur donnaient leur forme définitive. Et le silence prestigieux des dimanches après-midi.

Je retourne à mon père par les sortilèges de l'écriture.

Il y a ce qui est clair. Et dedans, il y a de l'ombre. Et dans l'ombre, il y a ce feu dont la vision brûle nos yeux.

Tu vois ce bouillonnement de l'air en surface des vitraux? Dehors tu suais. Ici tu grelottes. Ce qui importe, c'est le passage. Regarde mon tympan, ses diables rassurants. Il a beau parler du Jugement dernier, il est là pour te distraire, pour te faire aller sans conscience du soleil du dehors à l'ombre du dedans, puis de cette ombre au lion merveilleux, le père de chacune de tes larmes, et son rugissement: ton cœur, donne-le. Tout. »

Christian Bobin, Extrait de La nuit du cœur

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