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lundi 27 juin 2016

Jaspes et agates

"L'extrême diversité des agates entraîne qu'elles présentent une multitude d'images, qui presque toutes, d'ailleurs demeurent imprécises et ambiguës comme figures de nuées. Il faut, pour les arrêter, que l'imagination y mette du sien et qu'elle se tienne au simulacre qu'elle a choisi de déchiffrer. En outre, les dessins dépendent des espèces. On retrouve des motifs analogues sur les agates de même provenance, au point qu'un amateur expérimenté pourrait déduire celle-ci de la topographie des veines, des taches, des poches, des strates, révélée par la coupe et le polissage de l'échantillon envisagé.

L'image souvent est presque abstraite. Elle tient ses meilleurs pouvoirs d'une géométrie élémentaire: celle du cercle. Mais l'agate propose, il est vrai par plus rare caprice, des simulacres indicatifs: un oiseau-mouche à la queue d'améthyste têtant une fleur en son vol immobile; des pistes débouchant sur le désert entre les parois verticales d'un défilé de montagne; des éclairs zébrant les remous d'un ciel démonté comme paragraphes de calife ou fouets de tortionnaire; des vagues, des écailles ou des tuiles vertes, s'imbriquant comme sur la robe des serpents, sur les toits des halles et des hospices de Bourgogne ou sur le dos de l'océan; ou encore comme une mer de nuages dans une estampe japonaise: tant d'arches se chevauchant en partie et qui présagent un moutonnement infini, un tremblement de feuilles de tremble, une sérénité qui s'épand et se reprend, qui respire."

Roger Caillois, Extrait de L'écriture des pierres

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