Il fut autre, couleurs extraites de la terre,
cet acte de peindre des parois, des tatouages,
par horreur du vain, temps et mort ;
cet acte d'enfermer l'espace entre des murs,
par horreur du vide, temps et mort ;
cet acte de frapper sur la pierre et le bois,
par horreur du silence, temps et mort ;
Il fut autre, calendrier du feu des astres,
cet acte de remonter tant d'Histoire,
par horreur de l'avenir, temps et mort ;
cet acte d'abriter sa face sous des masques,
par horreur du présent, temps et mort ;
cet acte d'effacer l'abstrait avec des nombres,
par horreur de l'éternel, temps et mort ;
Il fut autre, racines et graines dans la terre,
cet acte de peupler de semis les humus,
par horreur de la faim, temps et mort ;
cet acte de répartir les eaux en artères,
par horreur des sècheresses, temps et mort ;
cet acte de choyer la lune avec les yeux,
par horreur des ténèbres, temps et mort.
Il fut autre, religieux engrais transparent,
cet acte d’adorer la pluie, le soleil et la terre,
par horreur de l’incertain, temps et mort ;
cet acte de percer sa langue avec l’épine,
par horreur du doute, temps et mort ;
et cet acte d’apprendre les noms du chemin,
par horreur du retour, temps et mort.
Il fut autre, les sens en amoureuse mousse,
cet acte de gésir dans l’écorce femelle,
par horreur de se dessécher, temps et mort ;
cet acte de lancer les flèches de la vie,
par horreur de les garder siennes, temps et mort ;
et cet acte de rester en fils de la chair,
par horreur de la tombe, temps et mort.
Miguel Angel Asturias, Extrait de Poèmes indiens