« La grande ressource de Maeterlinck est le mot. Le mot est une résonance intérieure. Cette résonance intérieure est due en partie (sinon principalement) à l’objet que le mot sert à dénommer. Mais si on ne voit pas l’objet lui-même, et qu’on l’entend simplement nommer, il se forme dans la tête de l’auditeur une représentation abstraite, un objet dématérialisé qui éveille immédiatement dans le « cœur » une vibration. Ainsi l’arbre vert, jaune, rouge dans la prairie n’est qu’un cas matériel, une forme matérialisée fortuite de l’arbre que nous ressentons au son du mot, arbre. L’emploi habile (selon l’intuition du poète) d’un mot, deux fois, trois fois, plusieurs fois rapprochées, peuvent aboutir non seulement à une amplification de la résonance intérieure, mais aussi à faire apparaître certaines capacités spirituelles insoupçonnées de ce mot. Enfin, par la répétition fréquente (jeu auquel se livre la jeunesse et que l’on oublie plus tard) un mot perd le sens extérieur de sa désignation. De même se perd parfois le sens devenu abstrait de l’objet désigné et seul subsiste, dénudé, le son du mot. Inconsciemment nous entendons peut-être ce son « pur » en consonance avec l’objet, réel ou ultérieurement devenu abstrait. Dans ce dernier cas cependant, ce son pur passe au premier plan et exerce une pression directe sur l’âme ».
Vassily Kandinsky, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier
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