« La nébuleuse de la Tête de Cheval mesure environ deux années-lumière (soit vingt mille milliards de kilomètres) et se situe à environ 1600 années-lumière de la Terre, dans l’une des régions les plus jeunes de la Voie lactée. Là-bas, des milliers d’étoiles naissent actuellement, pratiquement sous nos yeux, enveloppées dans les langes nébuleux desquels elles émergent lentement. Parmi ces étoiles naissantes, les plus brillantes d’entre elles, des supergéantes bleues, vingt à trente fois plus massives que le Soleil et brillant dix à cent mille fois plus que lui, illuminent et chauffent le gaz autour d’elles. Leur souffle puissant modèle et sculpte les nébuleuses qui sont à leur portée. C’est ainsi que le couple d’étoiles supergéantes Sigma Orionis, situé à une quinzaine d’années-lumière seulement de la nébuleuse de la Tête de Cheval, noie celle-ci dans son rayonnement aveuglant. Le gaz, de l’hydrogène principalement, qui environne la nébuleuse est chauffé, ionisé par Sigma Orionis ; c’est d’ailleurs cet éclairage stellaire qui rend la Tête de Cheval visible, en ombre chinoise devant les nuées enflammées d’Orion…Mais la science, si elle nous révèle les merveilles du monde, parfois, aussi, le désenchante. Ainsi, jusqu’à ces dernières années, pouvait-on rêver à ce que dissimulaient les volutes opaques de la Tête de Cheval… Derrière ces rideaux de velours noirs, se cachait-elle une étoile à naître ? L’aspect compact et dense de la nébuleuse pouvait le laisser espérer. Mais il n’en est rien, comme l’ont révélé, petit à petit, les télescopes capables de percer les nuées gazeuses de la Tête de Cheval, et regarder à travers elle… Pour cela, les astronomes utilisent le rayonnement infrarouge, auquel la plupart des nébuleuses sont transparentes. Sur les deux photomontages qui illustrent cet article, trois images montrent la nébuleuse telle qu’elle apparaît dans le rayonnement visible, à gauche, et dans l’infrarouge, à droite. Le premier photomontage, en haut, montre des images du Very Large Telescope européen de 8 mètres de diamètre (à gauche), vers 0,5 micron de longueur d’onde, du télescope infrarouge Vista de 4 mètres (au centre), vers 1,3 micron de longueur d’onde et enfin du télescope spatial Hubble de 2,4 mètres, vers 1,6 micron. Sur les images de Vista et Hubble, la nébuleuse, transparente, se montre telle qu’est elle : vide. Les étoiles d’arrière-plan apparaissent, aucune trace d’embryon stellaire n’est visible, le ténébreux destrier céleste est stérile…
Stérile et mortel. Regardez-mieux : le fin liseré lumineux qui longe la Tête de Cheval, c’est son « front d’ionisation » : c’est là que le puissant rayonnement ultraviolet des étoiles de Sigma Orionis, progressivement, vaporise le gaz. Lentement mais sûrement, la nébuleuse de la Tête de Cheval se dilue dans l’espace interstellaire. Dans quelques millions d’années, elle aura disparu. »
Serge Brunier, Extrait de http://www.science-et-vie.com/2013/05/portraits-croises-dun-destrier-celeste/
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