"Du ciel, tombent des filaments étincelants, blancs à s'en abîmer les yeux. Je mets mes lunettes de soleil. Ils sont si nombreux qu'on dirait une part du ciel, ils ne tombent pas, ils dérivent. Je me souviens des filandres de mon enfance, que ma mère appelait les fils de la vierge, ces fils immaculés et longs qui volaient dans les beaux jours d'automne, transportant de minuscules araignées migrantes. Les voyageuses comptaient sur les courants d'air pour les emporter un peu plus loin, avant d'abandonner les fils derrières elles, emmêlés aux haies, aux herbes, aux fleurs, aux broussailles, mais elles n'allaient jamais jusqu'en ville. Est-ce moi, en descendant, qui les ai déplacées jusque-là, est-ce nous, habitants des amonts, qui les emmenons dans nos sillages quand nous descendons nos cours, quand nous rejoignons les plats. Je m'imagine arriver ici suivie d'une traîne collante et brillante, échevelée par le vent de la vitesse automobile, j'essaie de me représenter toutes ces queues de comètes arachnéennes accrochées à nos petites Panda, dispersées dans l'air au moindre coup de frein. Mais sérieusement, d'où viennent tous ces fils d'araignée. Ce n'est même pas l'automne."
Emmanuelle Pagano, Extrait de Ligne & Fils, Trilogie des rives I
Aucun commentaire:
Publier un commentaire