Jeune femme, c'est bien Duras qui m'a ouverte les oreilles de l'écrit, ce fut un grand séisme, dans le corps, très profond. Un de ceux qui rase la première parole et fait jaillir la seconde, moins vacillante. On ne pleure pas ses dents de lait. Les mots de Marguerite donnent un plein au vide, l'écrit remplissant l'outre.
J'ai eu une enfance extrêmement minimaliste dans l'échange satisfaisant avec l'autre. Est-ce mon milieu qui m'a fait sauvage ou bien est-ce le sauvage qui habite mon centre depuis ma naissance? J'y reviens toujours car je n'ai aucune idée sur cette question. Chose certaine, je connais le vide intimement comme l'autre, un autre que moi, connait le plein.
Luc, l'Amoureux, l'époux m'a fait connaître un autre lieu. Le nouveau monde. Foisonnant, nourrissant, satisfaisant. Sa mort me laisse un vide plein. Cette empreinte est totalement nouvelle pour moi, pas moins douloureuse, car mon âme ne souhaite que retrouver ce festin gras, mais ce nouvel espace m'offre plus de viabilité que l'ancien monde. Dans ce manque effroyable, il reste tous nos mots, sa parole claire, c'est mon trésor le plus précieux. "Y'a rien" n'existe plus.
« On dit toujours, s’il n’y a pas de sel, y’a rien. Moi, ça prend des formes extrêmes… S’il n’y a pas de citron, y’a rien… S’il n’y a pas de thé, s’il n’y a pas d’Earl Grey, y’a rien… A la rigueur il pourrait ne pas y avoir de pain, mais s’il n’y a pas de pommes, alors par exemple, y’a rien du tout… S’il n’y a pas de sauce indochinoise, je m’en vais je quitte la demeure. »Marguerite Duras
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