«L’âge ne veut rien dire, interrompit-il. Ce n’est pas l’âge qui nous donne la sagesse. Ni même l’expérience, comme on le prétend. C’est la vivacité d’esprit. Les vivants et les morts… Vous, entre tous, vous devriez savoir ce que je veux dire. Il n’est que deux classes en ce monde – et dans chaque monde – les vivants et les morts. A ceux qui cultivent l’esprit, rien n’est impossible. Aux autres tout est impossible, ou incroyable, ou vain. Quand on vit jour après jour avec l’impossible, on commence à se demander ce que signifie ce mot. Ou plutôt comment il en est jamais venu à avoir cette signification. Il y a un monde de la lumière, où tout est clair et manifeste, et il y a un monde de la confusion, où tout est ténébreux et obscur. Les deux mondes n’en sont en réalité qu’un. Ceux qui se trouvent dans le monde de l’obscurité ont de temps à autre une vision fugitive du royaume de la lumière, mais ceux qui sont dans le monde de la lumière ignorent tout de l’obscurité. Les hommes de la lumière ne projettent pas d’ombre. Le mal leur est inconnu. Non plus qu’ils ne nourrissent de ressentiment. Ils se meuvent sans chaînes ou entraves. Jusqu'à mon retour dans ce pays, je n’ai fréquenté que de tels hommes. A certains égards, ma vie est plus étrange que vous ne pensez. Pourquoi suis-je allé chez les Navajos ? Pour trouver la paix et la compréhension. Si j’étais né à une autre époque, j’aurais pu être un Christ ou un Bouddha. Ici, je suis un peu un phénomène de foire. Même vous, vous avez peine à ne pas me voir ainsi.»
Henry Miller, Plexus
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