Démarche de l'âme
Aux limites de l'homme, la terre disparaîtra. Et toute chose vue de la terre se perdra en l'homme qui arrive à cet endroit. Ses yeux s'ouvriront sur la terre, et la blancheur l'engloutira. Voici en effet la limite de la terre - et donc un lieu où nul homme ne peut se retrouver.
Nulle part. Comme si c'était un commencement. Car même ici, où le paysage échappe à tout témoin, un paysage émergera. Là où un homme est venu, on ne peut jamais dire: il n'y a rien, même en un lieu d'où tout à disparu. Car l'homme ne peut être en aucun lieu tant qu'il n'est nulle part, et dès l'instant où commence à se sentir perdu, il trouvera où il est.
C'est pourquoi il va à la limite de la terre, alors même qu'il se tient au milieu de la vie. Et s'il se tient à cet endroit, c'est seulement en vertu d'un désir d'être ici, à la limite de lui-même, comme si cette limite était le cœur d'un autre commencement du monde, plus secret. Car il se rencontrera dans sa propre disparition, et dans cette absence il découvrira la terre - même à la limite de la terre.
Paul Auster, L'art de la faim
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