«Pour re-sentir ta présence, celle à qui j'écris que je lis. Terminé Le Nouveau nom de l'Italienne après des détours et des détours dans les quasi-mélos des filles de Naples, à la toute fin, Celle qui raconte publie un premier roman, à Milan. Venue de loin, de très loin, la dernière d'une longue descendance d'analphabètes qui ne parlent même pas italien, ou si peu, elle arrive au rêve que son Amie prodigieuse et elle avaient fait déjà au primaire: publier un roman. C'est revenir d'ailleurs, de loin, de ce monde lointain que personne de son milieu natal ne connaît. Est-elle devenue une autre, une des autres?
J'ai lu de longs passages sans trop de passion, et puis là, dans les vingt dernières pages, tout se condense autour de ce premier roman alors qu'elle retrouve son Amie prodigieuse devenue travailleuse dans une usine minable de mortadelle et de saucissons.
Son arrachement à son milieu pour écrire m'a fait pleurer, la soif de culture aussi, avec ses élans troubles vers la reconnaissance des autres ou l'envie de prétendre être quelqu'un d'autre. C'est une longue histoire d'apprentissage. Son père, sa mère, ses sœurs et frères presque tous ses voisins de toujours ne l'ont pas lu, ne le peuvent pas. À Pise, où elle a étudié, elle s'extirpait de Naples; dans les autobus de Naples pour aller retrouver son Amie prodigieuse, Pise ne lui sert à rien: c'est en dialecte qu'elle doit parler. C'est un des livres en traduction qui m'aura donné le plus vif regret de n'en pas connaître la langue originale. En italien, ça doit être symphonique, ça doit chanter, mélanger l'italien et les dialectes. Je ne vois pas comment ça pourrait en être autrement.
Alors que j'avais les yeux pleins d'eau avec encore trois ou quatre pages à lire, quelqu'un cogne fort: c'était le facteur avec Dying Grass, plus gros que je le pensais, avec sa belle couverture, grand format rigide et sa jaquette: 1 352 pages, avec notes, index et glossaires. Je ne sais même pas si je réussirai à le lire en anglais.
Tant pis, je m'y plongerai pendant les jours d'automne et de novembre. Avec ça dans la main, je ne partirai pas au vent!
Écris-moi, de tout, des riens, des cris...»
Luc Gauvreau
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