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mercredi 30 décembre 2015

Plus tu marches longtemps

Plus tu marches longtemps et plus ta mémoire s’encombre de souvenirs heureux, malheureux, d’âmes, de saisons, d’horloges qui tombent en panne ou redémarrent ; plus tu marches longtemps et plus t’as l’impression d’évoluer dans un jardin ouvert vers l’infini. Une sorte de petit jardin japonais. Asymétrique. Inversant les perspectives. Réduisant à l’essentiel les paysages immenses que tu t’étais créés pour avoir le sentiment d’exister. Tu ressens alors très fort le désir des pierres sur lesquelles tu marches de devenir les montagnes qu’elles sont déjà. Tu ressens alors très fort la profondeur des océans, des sentiments, du ciel, du champ infini des étoiles, à travers les petits bouts de ruisseaux harmonieux et légers qui veulent aller aux fleuves. Et puis aux océans. Comme des nuées d’oiseaux se jetteraient à ailes perdues dans l’azur. Tu contemples les arbres qu’on a plantés devant le décor pour que tu puisses les vivre, les respirer, mesurer l’étendue du territoire qu’il y a encore après. Qu’il y a forcément après. Un territoire qui renaîtra au bout de ce chemin qui t’a infiniment souvent, en se rétrécissant, en s’amenuisant, en se confinant, en se rencognant tout contre toi, avec ses herbes folles et ses parfums intimes, ouvert à la conscience des autres.

Emile Castillejos

samedi 26 décembre 2015

jeudi 24 décembre 2015

Création du désir, création du besoin

«Aux dents de la crémaillère pendait le chaudron noir. La marmite sur trois pieds s’avançait dans la cendre chaude. Soufflant à grosses joues dans le tuyau d’acier, ma grand-mère rallumait les flammes endormies. Tout cuisait à la fois : les pommes de terre pour les cochons, les pommes de terre plus fines pour la famille. Pour moi, un œuf frais cuisait sous la cendre. Le feu ne se mesure pas au sablier : l’œuf était cuit quand une goutte d’eau, souvent une goutte de salive, s’évaporait sur la coquille. Je fus bien surpris quand je lus dernièrement que Denis Papin surveillait sa marmite en employant le procédé de ma grand-mère. Avant l’œuf, j’étais condamné à la panade. Un jour, enfant coléreux et pressé, je jetai à pleine louchée ma soupe aux dents de la crémaillère : « mange cramaille, mange cramaille ! » Mais  les jours de ma gentillesse, on apportait le gaufrier. Il écrasait de son rectangle le feu d’épines, rouge comme le dard des glaïeuls. Et déjà la gaufre était dans mon tablier, plus chaude aux doigts qu’aux lèvres. Alors oui, je mangeais du feu, je mangeais son or, son odeur et jusqu’à son pétillement tandis que la gaufre brûlante craquait sous mes dents. Et c’est toujours ainsi, par une sorte de plaisir de luxe, comme dessert, que le feu prouve son humanité. Il ne se borne pas à cuire, il croustille. Il dore la galette. Il matérialise la fête des hommes. Aussi haut qu’on puisse remonter, la valeur gastronomique prime la valeur alimentaire et c’est dans la joie et non pas dans la peine que l’homme a trouvé son esprit. La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir, non pas une création du besoin.» 

Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu

Écurie urbaine


De L'eau

De l'aubépine à l'horizon
De l'océan, de l'onéreuse
De l'orient à l'occident
De l'Homère à l'Horace
De l'eau à ta bouche,
A ma bouche.
De l'eau, Autant de fois qu'il le faut
De l'opale à l'orifice
De l'opiniâtre à l'officine
De l'autel que l'automne
Que l'otarie dans l'homicide
Que l'Autriche dans l'offense.

De l'eau, Autant de fois qu'il le faut
De l'austère à l'oraison
De l'orange à l'aurore
De l'obus, de l'eau perdue
De l'ossement à l'orée
De l'odorat, de l'oasis
De l'eau, Autant de fois qu'il le faut
De l'opulence à l'eau morte
De l'opium, de l'audace
De l'eau trouble à l'autarcie.
De l'au-dessus, de l'au-dessous
De l'eau d'ici, de l'au-delà
De l'eau, Autant de fois qu'il le faut

Marcel Kanche, L'épaisseur du vide

lundi 21 décembre 2015

Le mythe de l'ours


La nuit ne tombe pas

"En TGV, à la tombée du soir, d'un côté, une lumière encore présente, un ciel laiteux, cuivré à la ligne d'horizon. De l'autre côté de l'allée, le plomb de la nuit qui monte des arbres, comme les tableaux de Magritte le montrent très bien, la nuit ne tombe pas, elle s'élève de la terre. De ce côté-là, une lune pleine et blanche. Comme si la course du train séparait le jour de la nuit."

Jane Sautière, Stations (entre les lignes)

dimanche 20 décembre 2015

Signe distinctif


Moi peu importe

« C'est moi ? » Dès que j'écris, cette question ne se pose plus.

« Qui est-ce ? » Écrire sans le savoir, sans vouloir le savoir.

Je mets JE si je veux dire « ici maintenant », face au vide donc, et IL ou ELLE pour reculer de quelques pas, inscrire de la présence dans un cadre ou un paysage. De quelque côté que j'écrive, j'y vais avec ce que j'ai et aussi ce que je n'ai pas.

Un jour, j'ai entendu dans un film « Le passé, ce n'est pas ce qui a disparu, c'est ce qui t'appartient », phrase qui m'a bouleversée. Car j'entendais : « Ton passé, il sera ce que tu en fais en ce moment ». Je vis dans le faire, dans un certain volontarisme, énormément. Ainsi n'ai-je vraiment conscience que du présent, présent que je ne suis pas seulement en train de vivre, mais d'élaborer. Écrire y contribue. Ce qui fait que je reviens assez souvent à l'enfance, comme on replonge le pinceau dans l'eau pour continuer à peindre, l'enfance étant le moment de l'attente sans bords. Mais attente qui agit : joue. En effet, toute création est un jeu, c'est-à-dire mise à distance du réel pour ne pas constamment le subir, dans une minutie qui peut sembler folle à qui n'y entre pas. L'enfance étant à la fois l'irréparable et l'espoir, je ne vois pas comment j'écrirais dans un esprit qui ne serait pas d'enfance. Et comme le temps ne s'arrête pas, je ne cesse de poser et reposer cette question : « Est-il trop tard ? », d'où, pour y répondre, mes nombreuses réécritures du Petit Poucet sur lequel s'ouvre d'ailleurs mon premier vrai livre : Les Miettes de décembre. Figure récurrente, et quand j'ai réalisé à quel point, j'ai entrepris de lui offrir un livre entier : La Terre voudrait recommencer. Il est pour moi celui qui ne renonce jamais, celui qui parvient toujours à trouver un chemin, au-delà de l'abandon répété par des parents absurdes, au-delà de l'indifférence des oiseaux qui sont dans leur ciel, au-delà de l'ogre qui aurait pu faire que tout s'arrête. Il trouve toujours une issue ; le conte s'achève d'ailleurs sur des bottes qu'il chausse. Trop grandes ? Non, du seul fait qu'il prenne l'initiative, sans se poser de questions, d'y mettre les pieds, elles lui vont !

Une des questions les plus justes de l'état dans lequel on est quand on se lance dans l'écriture d'un poème est donnée par Barthes quand il parle de l'écriture d'une lettre d'amour : « Ce que l'amour dénude en moi c'est l'énergie. Tout ce que je fais a un sens (je puis donc vivre, sans geindre), mais ce sens est une finalité insaisissable : il n'est que le sens de ma force. Les inflexions dolentes, coupables, tristes, tout le réactif de ma vie quotidienne est retourné ». J'écris pour ressentir — vérifier ? — que j'ai encore envie.

Ariane Dreyfus, La lampe allumée si souvent dans l'ombre

dimanche 6 décembre 2015

samedi 5 décembre 2015

Feu et rythme

Le Feu

Ils regardaient la bataille des étincelles,
Qui ne sont qu'abandon du brasier,
Mais voici que l'arbre entier qui flambait
Se leva, trébuchant sur les pierres noires,
Et marcha vers eux.
Ils allaient voir comme c'est au centre,
Les bonshommes du pourtour, les gens de cendre !
Un seul fît face et tint ses yeux ouverts.
Il raconte qu'un homme s'avançait vers lui,
D'aspect robuste, plus très jeune,
Et passant près de lui, fit seulement un signe
Comme : « Bonsoir », mais distrait
Ou méfiant, et prit sans hésiter le sentier.
On a vu pourtant de la vallée le feu gravir longtemps la montagne.
A quoi servent les yeux ? Qu'est-ce qui se passe
Sous la voûte des os plus chauds que cette pierre ?
Si l'arbre en feu était un homme,
Tel que vous et moi,
Dans quel monde sommes-nous, dans quelles montagnes ?
Un signe, au moins, avant le rendez-vous de cendre !

Henri Thomas, Nul désordre poèmes 

Le bicycle à Belzébuth


vendredi 4 décembre 2015

Tête à tenir

Une large bouffée de flammes
Sur la frise en bas des forêts
Le brouillard échappé des larmes
Sous une écharpe de rosée
L’odeur rugueuse des cigares
Le feu caché des feuilles mortes
Rayons cassés qui tissent ton sourire
Le visage effacé sous son voile de peur
Il va il vient il se retire
Un rayon de miel dans la cire
Une larme amère à ton cœur
Amour reviens dans le silence
Le poids de la main sur ton front
Et toujours la mort entêtée
La mort vorace

Pierre Reverdy, Extrait de Le Chant des morts

lundi 30 novembre 2015

Lundi matin


Le temps du revenir

« J’ai écrit l’histoire de l’amant de la Chine du Nord et de l’enfant : elle n’était pas encore là dans L’amant, le temps manquait autour d’eux[5]. » C’est ainsi qu’à la page liminaire de L’amant de la Chine du Nord, Marguerite Duras parle de ce livre qui, sept ans après la parution de L’amant, raconte encore une fois « l’amour entre le Chinois et l’enfant ». Pourtant ce n’est déjà plus la même histoire ou, selon l’écrivain, l’histoire n’avait même pas existé dans L’amant, parce qu’il « manquait » du « temps ». On se demande alors quel est ce « temps » qui « manquait », qui fait que l’histoire tarde à émerger et qu’elle puisse enfin (re)naître dans un autre récit, après des années. Est-ce le temps « après coup », « après » l’événement ? le temps qui a passé depuis ? c’est-à-dire le temps qui dépose, qui décante ? qui donne du recul, de la distance ? est-ce, donc, le temps de l’oubli ? le temps du revenir, du souvenir, de la mémoire ? de la remémoration ? est-ce à dire que, pour narrer, pour que cela fasse histoire, il faut que du temps soit passé ? il faut du délai, de l’attente, de la patience — de la souffrance ? que la narration est donc un acte différé ? donc toujours déjà anamnèse, recherche, reconstitution, reprise… ? est-ce, enfin, la séparation, la mort ? le temps de mourir ? puisque c’est finalement la mort qui déclenche l’écriture ? Mais tout cela revient à dire que l’écriture est travail de mémoire, que narrer / écrire ce serait faire le deuil de l’événement et tisser une mémoire : un texte-mémoire, qui est aussi texte de deuil, tissu de deuil.

Sunshine In


Contre le jour


lundi 23 novembre 2015

L’expérience du temps

Dans l’expérience de l’amour et de la mort, le Temps surgit. Car ce n’est pas moins l’expérience du temps. Quand le temps « normal » se suspend ou se bouleverse. Quand il s’accélère vertigineusement, comme lors de la première nuit d’amour, ou se ralentit infiniment, tel le silence du regard de l’amant. Et quand l’expérience du temps prend le relais de l’expérience de l’écriture : écrire, c’est aussi sentir, faire passer, durer ; c’est, dans la durée du temps, endurer, perdurer (perdre-durer / durer-toujours), en se transformant en lieu de la temporalité. C’est la saisie de l’insaisissable, la ré-expérience de l’expérience. C’est répéter mille fois ce qui se passe une fois, et continuer, par ce geste, à tracer et à effacer, sans répit.

Kairos


Le bonheur des mots

Je n’attendais plus rien quand tout est revenu, la fraîcheur des réponses, les anges du cortège, les ombres du passé, les ponts de l’avenir, surtout la joie de voir se tendre la distance. J’aurais toujours voulu aller plus loin, plus haut et plus profond et me défaire du filet qui m’emprisonnait dans ses mailles. Mais quoi, au bout de tous mes mouvements, le temps me ramenait toujours devant la même porte. Sous les feuilles de la forêt, sous les gouttières de la ville, dans les mirages du désert ou dans la campagne immobile, toujours cette porte fermée – ce portrait d’homme au masque moulé sur la mort, l’impasse de toute entreprise. C’est alors que s’est élevé le chant magique dans les méandres des allées.

Les hommes parlent. Les hommes se sont mis à parler et le bonheur s’épanouit à l’aisselle de chaque feuille, au creux de chaque main pleine de dons et d’espérance folle. Si ces hommes parlent d’amour, sur la face du ciel on doit apercevoir des mouvements de traits qui ressemblent à un sourire.

Les chaises sont tombées, tout est clair, tout est blanc — les nuits lourdes sont soulevées de souffles embaumés, balayées par d’immenses vagues de lumières.

L’avenir est plus près, plus souple, plus tentant.

Et sur le boulevard qui le lie au présent, un long, un lourd collier de cœurs ardents comme ces fruits de peur qui balisent la nuit à la cime des lampadaires.

dimanche 22 novembre 2015

Duras


Rides du temps

Plus je crie plus le vent est fort
La porte se ferme
Emporte la fourrure et les plumes
Et le papier qui vole
Je cours sur la route après les feuilles
Qui s'envolent

Le toit se soulève
Il fait chaud
Le soleil est un aimant
Qui nous soutient

À des kilomètres
J'aime le bruit que tu fais
Avec tes pieds
On m'a dit que tu cours
Mais tu n'arriveras jamais

Le vieil amateur d'art a un sourire idiot
Faussaire et cambrioleur
Animal nouveau
Tout lui fait peur
Il se dessèche dans u musée
Et participe aux expositions
Je l'ai mis dans un volume au dernier rayon

La pluie ne tombe plus
Ferme ton parapluie
Que je voie tes jambes
S'épanouir au soleil

Pierre Reverdy, Extrait de La Lucarne ovale

L'horizon baissera


vendredi 20 novembre 2015

Rythme solaire

« L’idéal de la société occidentale – « bien-être » – s’est dégradé en des choses purement matérielles, de confort et de propriété d’objet. Et bien que ce mot « bien-être » soit très beau, il fallait trouver autre chose. Et quand le président de l’Equateur Rafael Correa a trouvé cette formule de « bien-vivre », reprise ensuite par Evo Morales (le président bolivien, ndlr), elle signifiait un épanouissement humain, non seulement au sein de la société mais aussi de la nature. L’expression « bien vivir » est sans doute plus forte en espagnol qu’en français. Le terme est « actif » dans la langue de Cervantès et passif dans celle de Molière. Mais cette idée est ce qui se rapporte le mieux à la qualité de la vie, à ce que j’appelle la poésie de la vie, l’amour, l’affection, la communion et la joie et donc au qualitatif, que l’on doit opposer au primat du quantitatif et de l’accumulation. Le bien-vivre, la qualité et la poésie de la vie, y compris dans son rythme, sont des choses qui doivent – ensemble – nous guider. C’est pour l’humanité une si belle finalité. Cela implique aussi et simultanément de juguler des choses comme la spéculation internationale… Si l’on ne parvient pas à se sauver de ces pieuvres qui nous menacent et dont la force s’accentue, s’accélère, il n’y aura pas de bien-vivre. »

Quand le ciel s'ouvre


dimanche 15 novembre 2015

Il manque quelque chose

Il manque quelque chose
A l’homme
Il manque quelque chose
A la femme
Ensemble
Il leur manque quelque chose
Il manque quelque chose
Aux enfants

Et encore ensemble
Il leur manque quelque chose
Dans les endroits
Dans chaque lieu
Quelque chose leur appartient
Parfois tout l’espace
Leur appartient
Mais il manque quelque chose.

Dead End


Sous les arbres


lundi 9 novembre 2015

Vostok


Through the Devil Softly (Full Album)

Écrire avec

Il y a les auteurs qui écrivent avec de la lumière, d'autres avec du sang, avec de la lave, avec du feu, avec de la terre, avec de la boue, avec de la poudre de diamant et enfin ceux qui écrivent avec de l'encre, les malheureux, avec de l'encre tout simplement.

Pierre Reverdy, Extrait de Le Livre de mon bord

Sous-lacustre


lundi 2 novembre 2015

Traînée rouge

"... or le corps et la tête ne cessent de lier, relier ce qui est à tout ce qui a été, pourvu qu'on veuille bien suivre cette traînée rouge qui fuse du présent. Un fait n'est jamais singulier : s'il touche c'est qu'il est épais." 

Antoine Emaz, Lichen encore

55:12

samedi 31 octobre 2015

Sans-patrie

Sinon, s’il n’y a pas une profonde douleur pour rendre les humains également silencieux, l’un entend plus, l’autre moins, de la puissante mélodie de l’arrière-fond. Beaucoup ne l’entendent plus du tout. Eux sont comme des arbres qui ont oublié leurs racines et qui croient à présent que leur force et leur vie, c’est le bruissement de leurs branches. Beaucoup n’ont pas le temps de l’écouter. Ils ne veulent pas d’heure autour d’eux. Ce sont de pauvres sans-patrie, qui ont perdu le sens de l’existence. Ils tapent sur les touches des jours et jouent toujours la même monotone note diminuée.

Rainer Maria Rilke, Extrait de Notes sur la mélodie des choses

Red Car


vendredi 30 octobre 2015

Ample mélodie

Que ce soit le chant d'une lampe ou bien la voix de la tempête, que ce soit le souffle du soir ou le gémissement de la mer, qui t'environne - toujours veille derrière toi une ample mélodie, tissée de mille voix, dans laquelle ton solo n'a sa place que de temps à autre. Savoir "à quel moment c'est à toi d'attaquer", voilà le secret de ta solitude: tout comme l'art du vrai commerce c'est: de la hauteur des mots se laisser choir dans la mélodie une et commune.

Rainer Maria Rilke, Extrait de Notes sur la mélodie des choses

vendredi 16 octobre 2015

Les couleurs du rien : Toute négation est une détermination

Dans le réel, c’est Spinoza qui a raison: toute détermination est une négation. Toute définition est comme un trait faisant le tour de la chose. Limite. Frontière. Une chose n’apparaît jamais que sur un fond dont elle s’isole, un reste qu’on nie, un infini premier dont on la détache.

Mais dans le rien, c’est l’inverse: toute négation est une détermination. Car il faut un mot pour nier, et ce mot donne sa couleur, sa saveur, en un mot un certain ton au rien. En effet, la négation est toujours l’absence de ce que l’on s’attendait à trouver. C’est pourquoi toute négation nous renseigne sur l’ordre des possibles dans l’objet qui la subit.

Mieux encore: toute négation est un récit. Car l’ordre des possibles usuels qu’elle suppose s’est vu perturbé par un événement qui demeure à expliquer, comme un rien déterminé qui se produit contre toute attente. Ainsi n’est-il point d’attente sans l’imagination de quelque arrivée. Mais alors le rien est tout plein de ce qui n’est pas encore là. Tout est couleur d’attente.

https://jeanpaulgalibert.wordpress.com/2015/10/10/les-couleurs-du-rien-2-toute-negation-est-une-determination/

lundi 12 octobre 2015

ARkStorm


Limonade rhubarbe


La culture

Une société ne fournira que la culture qui la sécurise, celle qui a le moins de chance de la remettre en cause. Elle cherchera toujours, par la culture qu'elle choisit, à diffuser le moyen de créer chez l'individu la structure mentale favorable à sa survie. La culture! Voilà encore un mot qui a tant de sens qu'il est bien près de ne plus en avoir du tout.

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

jeudi 8 octobre 2015

Le coeur de la reine


Aimer

Aimer l’autre, cela devrait vouloir dire que l’on admet qu’il puisse penser, sentir, agir de façon non conforme à nos désirs, à notre propre gratification, accepter qu’il vive conformément à son système de gratification personnel et non conformément au nôtre. Mais l’apprentissage culturel au cours des millénaires a tellement lié le sentiment amoureux à celui de possession, d’appropriation, de dépendance par rapport à l’image que nous nous faisons de l’autre, que celui qui se comporterait ainsi par rapport à l’autre serait en effet qualifié d’indifférent.

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

mercredi 7 octobre 2015

Chaperonnette à pois


Structure

Nous ne vivons que pour maintenir notre structure biologique, nous sommes programmés depuis l'œuf fécondé pour cette seule fin, et toute structure vivante n'a pas d'autre raison d'être, que d'être.

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

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jeudi 1 octobre 2015

L'imaginaire

« L’imaginaire s’apparente ainsi à une contrée d’exil où l’on trouve refuge lorsqu’il est impossible de trouver le bonheur parce que l’action gratifiante en réponse aux pulsions ne peut être satisfaite dans le conformisme socio-culturel. C’est lui qui crée le désir d’un monde qui n’est pas de ce monde. Y pénétrer, c’est choisir la meilleure part, celle qui ne sera point enlevée. Celle où les compétitions hiérarchiques pour l’obtention de la dominance disparaissent, c’est le jardin intérieur que l’on modèle à sa convenance et dans lequel on peut inviter des amis sans leur demander, à l’entrée, de parchemin, de titres ou de passeport. C’est l’Eden, le paradis perdu, où les lys des champs ne filent, ni ne tissent. On peut alors rendre à César ce qui est à César et à l’imaginaire ce qui n’appartient qu’à lui. On regarde, de là, les autres vieillir prématurément, la bouche déformée par le rictus de l’effort compétitif, épuisés par la course au bonheur imposé qu’ils n’atteindront jamais. »

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

mercredi 30 septembre 2015

Avant que le coq chante


Voilier nommé «Désir»

Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l'arrière, avec un minimum de toile. La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l'horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu'ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime. Vous connaissez sans doute un voilier nommé «Désir »

Henri Laborit, Extrait de l'Éloge de la fuite

mardi 22 septembre 2015

Fleur des îles


Voter

Compagnons,

Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n'est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l'exercice du droit de suffrage.

Le délai que vous m'accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j'ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.

Voter, c'est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c'est renoncer à sa propre souveraineté. Qu'il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d'une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu'ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.

Voter, c'est être dupe ; c'est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d'une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l'échenillage des arbres à l'extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l'immensité de la tâche. L'histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.

Voter c'est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l'honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l'homme change avec lui. Aujourd'hui, le candidat s'incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L'ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu'il était avant d'avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n'apprend-il pas à courber l'échine quand le banquier daigne l'inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l'honneur de l'entretenir dans les antichambres ? L'atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s'ils en sortent corrompus.

N'abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d'autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d'action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c'est manquer de vaillance.

Je vous salue de tout cœur, compagnons .

Élisée Reclus.

Lettre adressée à Jean Grave, insérée dans Le Révolté du 11 octobre 1885.
Reclus, Élisée (1830-1905), Correspondance, Paris : Schleicher Frères : A. Costes, 1911-1925. pp.364-366

lundi 14 septembre 2015

Iguane

Souvent d’un vert électrique, il n’est pas rare d’en croiser un qui tentera peut être de vous intimider par ses célèbres hochements de tête. Le terme iguane est d’ailleurs issu de l’Arawak, une des première tribus à avoir peuplée Saint Martin. Ces « monstres » préhistoriques aiment à se prélasser au soleil et parfois même sur la cime des arbres, un spectacle incroyable. Malgré sa mine qui en effraie certains, l’Iguane (de Saint Martin) est presque exclusivement végétarien et se délectera de fruits trouvés au hasard, aucune crainte donc d’une attaque. Si vous avez la chance d’en croiser un, prenez le temps d’observer ces fabuleuses créatures venues d’un autre temps.

Et n’oubliez pas : l’Iguane des petites Antilles est une espèce en voie de disparition qu’il convient de protéger…

Mama Wata


Mami Wata

Mami Wata (ou Mamy Wata, Mami Watta ou Mama Wata) est une divinité aquatique du culte Africain Vodoun, dont la pratique est répandue en Afrique de l'Ouest, du centre et du Sud, dans la diaspora africaine, les Caraïbes, et dans certaines régions d'Amérique du Nord et du Sud.

Selon les traditions des deux côtés de l'Atlantique, l'esprit enlève ses adeptes ou des gens au hasard alors qu'ils nagent ou qu'ils sont en bateau. Elle les emmène dans son royaume paradisiaque, qui peut être sous l'eau, dans le monde des esprits, ou les deux. Si elle leur permet de partir, les voyageurs reviennent souvent dans des vêtements secs et avec une nouvelle intelligence spirituelle qui se reflète dans leur regard, souvent ils s'enrichissent, deviennent plus séduisants et plus faciles à vivre.